Accueil > Notes de lecture > La collection "L’enjeu scolaire" aux éditions La Dispute

La collection "L’enjeu scolaire" aux éditions La Dispute

samedi 6 juin 2009

Une conviction, forgée au fil des recherches, comme point de départ : une forte amélioration de la formation scolaire des jeunes, une élargissement très significatif de l’accès aux études longues sont possibles et nécessaires. L’école française pourrait faire beaucoup mieux qu’elle ne fait.

Comment y parvenir ? La sociologie n’a pas de modèles pédagogiques ou didactiques à proposer. Mais elle dispose d’une arme efficace : sa capacité d’investigation fouillée du réel, d’identification des contradictions et des points de blocage. En dévoilant ce qui fait aujourd’hui obstacle à l’entrée normale d’une masse de jeunes dans la culture écrite, elle peut apporter une contribution puissante à l’indispensable démocratisation des savoirs.

Cette visée est celle de la collection L’enjeu scolaire. Les ouvrages qu’elle publie s’intéressent à la transmission des savoirs, aux pratiques professionnelles des agents scolaires, aux comportements des élèves et des familles. Leur registre n’est pas celui de l’essai polémique, de l’affrontement des « républicains » et des « pédagogues », mais celui de l’investigation empirique et de l’apport de connaissances.

Comme le montrent les premiers ouvrages publiés, L’enjeu scolaire porte un intérêt particulier au processus de transmission des savoirs, alors que jusqu’à présent la sociologie dite de l’éducation ne s’est paradoxalement intéressée que de façon assez secondaire aux trois grandes facettes de ce processus : la détermination des contenus d’enseignement, les pratiques pédagogiques des enseignants, et les activités d’apprentissage des élèves.

Les titres parus :

<diaporama|images=50,51,52,53,54,55,109,111|hauteur=400|largeur=350|transition=fade|boutons=true|couleurfond=ffffff|couleuravant=000000|couleurecran=ffffff|duree=5|overstretch=true>

* Jérôme Deauvieau et Jean-Pierre Terrail, Les sociologues, l’école et la transmission des savoirs. Présentation et choix de textes, 332 pages, 2007, 25 €.

Le premier ouvrage publié dans la collection est emblématique de cet intérêt pour les processus de la transmission des savoirs. Raison d’être de l’institution scolaire, ces processus sont plus souvent évoqués par les pédagogues et les spécialistes des disciplines qu’interrogés par la sociologie. Celle-ci a pourtant produit dans ce domaine des œuvres fortes mais ponctuelles, qui n’ont jamais donné naissance à une tradition de recherche continue et cumulative. On n’avait jamais cherché jusqu’ici à en proposer une vision d’ensemble.

JPEG - 29.3 ko
Les sociologues, l’école et la transmission des savoirs

Les deux premières parties de l’ouvrage présentent huit textes, rédigés entre 1966 et 2000 par des chercheurs anglais et français. Si la liste des auteurs retenus ne prétend pas à l’exhaustivité, l’importance scientifique et la représentativité de ceux qui figurent dans ce recueil est peu contestable : Basil Bernstein, Michael Young, Nell Keddie, Pierre Bourdieu, Viviane Isambert-Jamati, Lucie Tanguy, Bernard Lahire, Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex. Pour autant la plupart des textes sélectionnés n’étaient connus que d’un petit nombre de spécialistes (même si certains jouissent d’une forte réputation), qu’ils n’aient pas été traduits ou qu’ayant été publiés dans des revues à faible tirage ils ne soient plus disponibles depuis longtemps.

Rédigée par J. Deauvieau et J.-P. Terrail, la troisième partie propose huit notices biographiques consacrées aux auteurs sélectionnés dans les deux parties précédentes. Ces notices sont conçues comme autant de coups de projecteurs sur l’histoire de la sociologie de la transmission des connaissances. Chacune d’entre elles présente la pensée de l’auteur dans son contexte historique ; puis s’attache à la contribution retenue dans l’ouvrage ; et souligne enfin ce qui donne aujourd’hui encore à l’œuvre sa portée. L’ouvrage est complété par un index thématique et une sélection de références bibliographiques. Il a reçu un excellent accueil chez les chercheurs, les universitaires et les étudiants [1].

* Stéphane Bonnéry, Comprendre l’échec scolaire. Élèves en difficulté et dispositifs pédagogiques, 224 pages, 2007, 20 € (épuisé).

On pourra lire sur notre site un compte rendu de cet ouvrage.

Les élèves dits « en difficulté » ou « en grande difficulté » sont-ils irrécupérables, étaient-ils destinés par avance à l’échec scolaire ? A partir de longues périodes d’observation dans des classes de CM2 et de 6ème dans une ZEP parisienne, l’auteur a cherché à comprendre ce qui se jouait pour ces élèves, ce qu’ils comprenaient des attentes de l’école à leur égard, la façon dont les pratiques enseignantes pouvaient parfois alimenter les malentendus et limiter leurs possibilités d’apprentissage.

JPEG - 28.3 ko
Comprendre l’échec scolaire

Le succès de ce livre, notamment chez les enseignants, tient particulièrement sans doute à ce qu’il décrit très précisément des séquences d’enseignement observées dans différents domaines (mathématiques, géographie, littérature, technologie, sciences de la vie), et donne à voir à cette occasion comment les pratiques des enseignants, telles qu’elles sont prises dans des dispositifs pédagogiques institutionnalisés (manuels, instructions ministérielles, culture professionnelle diffusée par l’IUFM…), peuvent contribuer à rendre les apprentissages inaccessibles à une partie des élèves (particulièrement d’origine populaire). L’auteur tend ainsi aux intéressés un miroir précieux, sans acrimonie ni culpabilisation, mais sans complaisance, et donc d’autant plus utile pour ceux qui souhaitent se réapproprier la maîtrise de leur métier.

* Jérôme Deauvieau, Enseigner dans le secondaire. Les nouveaux professeurs face aux difficultés du métier, 248 pages, 2009, 22 €.

On pourra lire sur notre site un compte rendu de cet ouvrage.

L’auteur a suivi un certain nombre de jeunes enseignants de sciences économiques et sociales pendant quatre ans lors de leur entrée dans le métier, depuis l’année de stage en IUFM jusqu’aux premières années d’exercice, conjuguant entretiens et longues observations de classes.

Il évoque d’abord leur confrontation aux incertitudes de l’interaction scolaire, au chahut lycéen et aux difficultés d’apprentissage, et décrit les situations d’enseignement dans les classes « faibles » où sont typiquement affectés les jeunes professeurs sortant de l’IUFM. 

JPEG - 30.9 ko
Enseigner dans le secondaire

Il s’attache ensuite à décrire la façon dont les nouveaux enseignants font face à l’incertitude des gestes du travail pertinents, et dont se cristallisent des « styles enseignants » différenciés.

La dernière partie de l’ouvrage interroge la genèse des comportements observés, s’attachant à identifier les différents registres du savoir professionnel et la nature du rapport au savoir disciplinaire, considéré comme susceptible de rendre compte des variations dans les « styles enseignants ».

Là aussi la force de conviction du livre tient notamment à son ancrage dans une description très précise des pratiques de transmission des savoirs observées en situation réelle. Sa conclusion principale, selon laquelle le rapport au savoir des élèves se construit aussi à partir du rapport que les enseignants eux-mêmes entretiennent au savoir qu’ils enseignent, ouvre des perspectives nouvelles et fortes.

* Jean-Pierre Terrail, De l’oralité. Essai sur l’égalité des intelligences, septembre 2009, 21 € (épuisé).

On pourra lire sur notre site un compte rendu de cet ouvrage.

De l’oralité part du constat selon lequel la dite « théorie du handicap socioculturel » constitue aujourd’hui la principale explication de sens commun et la légitimation essentielle des inégalités scolaires, opposant du même coup un obstacle considérable à toute entreprise de démocratisation de l’école. L’ouvrage vise à déconstruire cette théorie en interrogeant la réalité des ressources intellectuelles dont sont dotés, au moment de l’entrée dans la culture écrite, les élèves disposant des capitaux culturels les plus modestes. Il distingue le fait de parler de la façon de parler, et s’attache à l’évaluation des compétences intellectuelles développées par la pratique du langage, quelles qu’en soient les modalités.

JPEG - 29.6 ko
De l’oralité

Après avoir rappelé la prégnance considérable et l’actualité perdurante d’une ligne de pensée ethnocentriste qui se constitue en Occident il a près de trois siècles, et qui prête à la pensée du sauvage, et dans son prolongement à celle de l’enfant, les traits inversés des compétences lettrées, l’ouvrage s’attache a contrario a établir, à partir des travaux de la linguistique moderne, les principes universels du fonctionnement de l’esprit humain. Il entreprend ensuite de valider la réalité de ces principes en convoquant une grande diversité de recherches anthropologiques, consacrées aux modalités de l’activité intellectuelle dans les sociétés de tradition orale. Puis il procède de même, à partir des travaux récents de la psycholinguiste post-piagétienne, concernant les processus d’acquisition du langage et du développement de la pensée de l’enfant, quel que soit le milieu social. Sa portée ainsi élucidée, la formule énigmatique et provocante de Jacotot soutenant « l’égalité des intelligences » lui fournit une conclusion appropriée.

Si les publications traitant des pratiques d’écriture et des compétences lettrées se sont multipliées dans les dernières décennies (autour notamment des travaux de Jack Goody), De l’oralité est le premier ouvrage à proposer une approche synthétique de l’intellectualité orale.

* Isabelle Harlé, La Fabrique des savoirs scolaires , janvier 2010, 13 €.

On pourra lire sur notre site un compte rendu de cet ouvrage.

La définition des connaissances transmises aux élèves est un processus historique qui mérite par lui-même toute l’attention des chercheurs, puisqu’il s’agit de rien moins que la formation des jeunes générations, et donc de l’avenir de la société toute entière. La compréhension de ce processus est la condition de toute réflexion sur ce que pourrait être la « culture commune » diffusée par une école démocratique.

C’est un bilan des travaux existants et une analyse des controverses entre chercheurs qu’Isabelle Harlé nous propose ici. L’auteur commence par revisiter l’histoire des recherches, en France et en Grande Bretagne tout particulièrement, sur les contenus scolaires. Elle dégage chemin faisant les trois grands types d’approche qui se sont constitués au fil de cette histoire, selon que les contenus scolaires sont conçus comme l’adaptation à l’école de savoirs savants, comme une production spécifiquement scolaire, ou comme le résultat d’une sélection conflictuelle opérée parmi l’ensemble des savoirs sociaux existant à un moment donné. Cet examen historique lui semble plaider pour que ces approches soient considérées dans leur complémentarité plutôt que dans leur concurrence mutuelle.

JPEG - 25.9 ko
La fabrique des savoirs scolaires

Cette première conclusion est mise à l’épreuve dans trois domaines d’enseignement, qui amènent l’auteur à revisiter l’épisode de la réforme des mathématiques modernes, au tournant des années 1960 et 1970 ; à s’intéresser à l’histoire des programmes de l’enseignement des sciences économiques et sociales, en France, depuis les années 1960 ; à interroger enfin les tentatives d’inclure la culture technique dans les programmes du collège en France au cours des dernières décennies.

Ce petit livre, qui propose un bilan inédit des acquis de la connaissance sur les contenus d’enseignement, se conclut par une réflexion sur la notion de culture commune et les débats qu’elle a suscités [2].

* Tristan Poullaouec, Le diplôme, arme des faibles. Les familles ouvrières et l’école , avril 2010, 12 €.

On pourra lire sur notre site un compte rendu de cet ouvrage.

La massification scolaire a suscité d’âpres débats. L’objectif des 80 % au bac avait pu paraître démocratique et séduisant. Mais ce généreux pari sur l’avenir n’avait-il pas un coût trop lourd ? N’a-t-il pas abusé les jeunes des classes populaires quant à leurs possibilités réelles de bonnes études supérieures, et quant à la réalité des débouchés professionnels qu’ils pouvaient en espérer ? Et enclenché une fuite en avant indéfinie en encombrant le marché du travail par un trop grand nombre de diplômés ?

Tristan Poullaouec revisite la controverse avec un œil neuf, invitant à revoir bien des idées reçues et à rejeter toute crainte de la démocratisation de l’école.

Son livre traite des scolarités et de l’insertion professionnelle des enfants issus de familles ouvrières. Centré sur la période contemporaine, il met en perspective les débats actuels avec les transformations survenues depuis les années 1960. Le premier chapitre revient sur les espoirs placés dans l’école en soulignant la grande transformation qui conduit aujourd’hui les parents ouvriers à privilégier eux-aussi des études longues pour leurs enfants. Le second chapitre décrit trois types de parcours scolaires parmi les élèves d’origine ouvrière, en insistant sur le rôle décisif des apprentissages initiaux de la culture écrite à l’école primaire. Au chapitre trois sont abordés les paradoxes de la mobilisation des familles à travers une critique des explications de l’échec scolaire par la démission des parents, par leur précarisation ou par leur éventuelle immigration. Le quatrième et dernier chapitre prend position dans les discussions sur « l’inflation scolaire » et « le déclassement » en montrant comment les diplômes sont à la fois de moins en moins suffisants et de plus en plus nécessaires [3].

JPEG - 30.2 ko
Le diplôme, arme des faibles

L’ensemble des arguments présentés s’appuie sur une enquête principalement quantitative, basée sur les données de la statistique publique (Insee, ministère de l’Éducation nationale, Ined, Céreq). Chaque chapitre comporte trois ou quatre tableaux construits et sélectionnés pour leur pertinence et pour leur clarté. Le propos général de l’auteur est d’interpréter la conversion des familles ouvrières aux études longues comme une révolution culturelle au fil des générations et d’expliquer pourquoi le diplôme constitue aujourd’hui « l’arme des faibles ». Le livre s’inscrit ainsi dans une discussion des thèses de Stéphane Beaud concernant les « malgré nous » de la démocratisation scolaire et des théories de « l’inflation scolaire » défendues récemment par Marie Duru-Bellat.

* Gaële Henri-Panabière, Des "Héritiers" en échec scolaire, septembre 2010, 18 €.

Les travaux fondateurs sur le système d’enseignement français ont mis en évidence les inégalités entre les élèves issus des classes populaires et les « héritiers » dont les parents font partie des classes supérieures. Ces derniers bénéficient, tendanciellement, d’un patrimoine culturel familial les protégeant des difficultés scolaires. Or, ce privilège ne s’exerce pas systématiquement. Ainsi, certains collégiens éprouvent des difficultés scolaires (ayant par exemple entraîné un redoublement) alors que leurs parents exercent des professions supérieures (ingénieur, professeur…).

JPEG - 58.8 ko
Des "héritiers" en échec scolaire

C’est ce genre de situations que l’ouvrage s’attache à comprendre. S’appuyant sur des données statistiques et des entretiens originaux, il analyse en détail les rapports complexes entre réussite scolaire et transmission familiale. En effet, si certaines caractéristiques familiales sont scolairement rentables (les diplômes de chacun des parents ou leurs habitudes de lecture), d’autres peuvent les « parasiter » (comme des expériences scolaires difficiles vécues par les parents) ou encore en affaiblir les effets (c’est le cas de la séparation des parents, notamment).

Cet ouvrage montre ainsi, au-delà de la vision habituelle d’une reproduction sociale automatique, que les héritages familiaux sont pluriels et ne se transmettent que sous certaines conditions, tant matérielles que symboliques. En effet, il existe aussi des inégalités non seulement entre familles scolairement dotées (selon l’origine sociale des parents, par exemple) mais également entre enfants des mêmes familles (selon leur rang de naissance, leur sexe, les rapports d’affinité avec tel ou tel parent). Pas plus que celles des enfants de milieux populaires, les difficultés scolaires de ces collégiens ne peuvent être réduites à un manque de « dons » ou de « mérites » personnels [4].

* Étienne Douat, L’École buissonnière, 216 pages, 2011, 20 €.

Qui sont ces élèves « absentéistes » que l’on rencontre pourtant si souvent dans leurs collèges ? Pendant près de trois ans, Étienne Douat a suivi ces collégiens qui font l’école buissonnière : ni décrochés ni accrochés tout à fait. Ses investigations restituent et analysent l’oscillation de leurs pratiques et leur ambivalence face à l’institution scolaire, faites d’expériences socialisatrices contradictoires par rapport aux impératifs scolaires, aussi bien dans les familles ou les groupes de pairs, que dans les collèges eux-mêmes.

JPEG - 26.5 ko
L’école buissonnière

En nommant « absentéistes » des élèves qui sont en réalité encore très présents, en se polarisant sur la surveillance, le comptage et la répression de ces jeunes et de leurs familles, supposées défaillantes, l’institution s’interdit de penser la complexité du phénomène, tout en déployant des dispositifs souvent contre-productifs. À l’opposé d’une pensée qui « déscolarise » la question, ce livre propose au contraire de mettre la focale sur ce qui se joue au cœur de l’école elle-même.

Les acteurs éducatifs mobilisés autour de la question de l’absentéisme pourront ainsi s’appuyer sur l’analyse des relations avec les familles et les élèves, ainsi que de la manière dont on confronte ces derniers aux apprentissages, à un certain emploi du temps et du corps, et aux verdicts scolaires [5].

Étienne Douat est sociologue, enseignant-chercheur à l’université de Poitiers, membre du Gresco et enseigne à l’IUFM de La Rochelle.

* Ken Jones (direction), L’école en Europe. Politiques néolibérales et résistances collectives, 226 pages, 2011, 20 €.

Déjà disponible dans plusieurs pays européens, cet ouvrage propose pour la première fois un état des lieux de l’école en Europe. Il montre non seulement la cohérence et la profondeur des transformations des politiques scolaires actuellement en cours, mais aussi le danger qu’elles représentent.

Réunissant des chercheurs européens qui s’appuient sur des enquêtes en grande partie inédites en France, L’école en Europe, dirigée par Ken Jones, professeur à l’université de Londres, analyse la manière dont ces transformations sont déclinées dans les différents pays de l’Union européenne - autonomie locale, étapes vers la privatisation, etc. -, et leurs effets concrets sur les dispositifs pédagogiques : accroissement des inégalités, renoncement aux savoirs... Il réfléchit également sur l’émergence progressive de stratégies de résistance et d’alternatives à ce nouvel ordre scolaire européen.

L’école en Europe est un outil pour celles et ceux qui veulent comprendre les transformations de l’école en France et renouer avec le projet d’une école plus juste et plus démocratique.

* GRDS, L’École commune. Propositions pour une refondation du système éducatif, janvier 2012, 212 pages, 15 €.

Le Groupe de recherches sur la démocratisation scolaire (GRDS), composé d’enseignants syndicalistes et de chercheurs universitaires, entend contribuer à la démocratisation de l’école en soumettant ses travaux au plus large débat. Alors que l’élargissement de l’accès aux savoirs est bloqué depuis plus de quinze ans et que les inégalités scolaires n’ont pas bougé depuis un demi-siècle, provoquant une véritable crise de confiance des Français dans leur école, le GRDS propose de substituer à l’actuelle « école unique » une « école commune » caractérisée par un tronc commun de 3 à 18 ans, la suppression des notes et de la concurrence entre les élèves, un vaste réexamen des procédures d’apprentissage, des contenus d’enseignement et de la culture commune à transmettre aux jeunes générations, ainsi que de la formation des enseignants.

PNG - 134.5 ko

Audacieuses, réfléchies, ces propositions ne paraissent pas irréalistes au regard de la force des attentes, en France, envers ce qui pourrait être une rénovation ambitieuse de l’école. C’est ce dont témoigne le succès de l’Appel pour une grande réforme démocratique de l’école lancé fin 2010 à l’initiative du GRDS, adressé aux partis de gauche par cinquante chercheurs spécialistes du système éducatif, et qui a connu un retentissement important.

* Houssen Zakaria, Que font les maîtres ? Pour un bilan de la rénovation pédagogique à l’école, juin 2012, 14 €.

L’enseignement élémentaire français a été profondément transformé au cours des années 1970/80. C’est un bilan d’ensemble de ce bouleversement, tel qu’on peut l’établir avec le recul et l’expérience de quatre décennies que, pour la première fois en France, l’auteur entreprend d’esquisser. Il a enquêté à cette fin dans quarante classes de ZEP, sachant combien la rénovation pédagogique visait à faciliter l’entrée dans la culture écrite des publics « difficiles ».

L’ouvrage dépeint les pratiques les plus récurrentes des enseignants observés et analyse les convictions qui les animent, en matière de gestion de la classe et de conduite des apprentissages. Il souligne la cohérence de leur culture de métier, et sa très large emprise sur la profession. Il interroge les conditions qui ont rendu possible sa diffusion, assurant ainsi le succès historique remarquable des politiques de rénovation pédagogique. A l’heure enfin où les inquiétudes montent concernant les apprentissages du lire-écrire-compter, l’ouvrage amorce la réflexion sur les raisons de l’efficacité limitée des transformations réalisées.

(Docteur en sociologie, Houssen Zakaria enseigne à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense et à l’Institut Supérieur de Pédagogie de l’université catholique de Paris)


Jean-Pierre Terrail, Entrer dans l’écrit. Tous capables ?, 220 pages, septembre 2013, 18 €.

L’usage de l’écriture a considérablement élargi les horizons de la pensée humaine. Pour sa part l’institution scolaire a vocation depuis cinq millénaires à transmettre les éléments de la culture écrite ainsi constituée. Elle y parvient aujourd’hui encore de façon très inégale, alors que ses échecs sont de plus en plus problématiques, et de plus en plus mal acceptés.

Une entrée satisfaisante dans la culture écrite, permettant des études longues, serait-elle hors de portée des élèves en difficulté ? Plutôt que d’invoquer une fois de plus leurs déficits socioculturels, l’auteur interroge ici les ressources mentales de ces élèves : des ressources acquises par la pratique du langage, dont l’examen attentif des activités de pensée dans les sociétés orales comme chez les enfants d’âge préscolaire confirme l’existence chez tous les êtres parlants, et qui devraient suffire à assurer une scolarité normale à ceux qui sont les moins bien dotés par leur milieu familial.

L’identification de ces ressources invite du même coup à revenir sur les principes qui président depuis quatre décennies aux apprentissages élémentaires de la culture écrite, dont il est urgent d’améliorer l’efficacité démocratique.

Table des matières

Introduction

Chapitre 1 - Les implications de l’écriture

Chapitre 2 – Les mal dotés : un défaut de ressources intellectuelles ?

Chapitre 3 – Langage et entendement

Chapitre 4 – Cultures orales 1- Penser le monde

Chapitre 5 – Cultures orales 2- Faire usage des mathématiques

Chapitre 6 – Cultures orales 3- S’intéresser au langage

Chapitre 7 – L’enfant et le langage 1- L’énigme des commencements

Chapitre 8 – L’enfant et le langage 2- Les apprentissages de la pensée

Chapitre 9 – L’enfant et le langage 3- Inégalités linguistiques et culturelles

Chapitre 10 - L’égalité des intelligences et ses implications

Une affirmation provocante

La fabrique des inégalités scolaires

L’école commune, condition de la démocratisation

Chapitre 11 – De vains efforts

Des dispositifs pédagogiques rénovés mais peu efficaces

Rénovation pédagogique et publics « difficiles »

Une pédagogie du manque et de la compensation

Chapitre 12 – L’indispensable mutation pédagogique

La difficulté d’apprentissage : d’un regard à l’autre

Comment accueillir les publics « difficiles » ?

La double contrainte : exiger/rendre possible

Le refus de l’impuissance pédagogique

Portfolio


[1Un compte-rendu de lecture sur le site de Liens-socio, par Rachel Gasparini

[2Un compte-rendu de lecture sur le site de Liens-socio, par Lydie Chartier

[3Un compte-rendu de lecture sur le site de Liens-socio, par Christophe Delay

[4Un compte-rendu de lecture sur le site de Liens-socio, par Christophe Delay

[5Un compte-rendu de lecture sur le site de Liens-socio, par Élodie Wahl