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Compte-rendu paru dans "La Revue Historique" n° 631, 2004, p. 692.

LERCH Dominique, L’enseignant et les risques de son métier

Un siècle d’histoire associative. L’Autonome de solidarité, 1903-2003, Avant-propos d’Alain Aymonier et préface de Jacques Girault, Paris, SUDEL, 287 p., 2003.

jeudi 10 décembre 2009, par Laurent Frajerman

On déplore aujourd’hui la judiciarisation de la société française, notamment à l’occasion de procès intentés à des enseignants pour des motifs variés. Le livre de Dominique Lerch démontre l’ancienneté de ce phénomène et décrit les réponses du corps enseignant. Il retrace l’histoire de l’Autonome de Solidarité, fédération d’associations vouée à sa défense dans des affaires de responsabilité civile et pénale, fortes de 700 000 adhérents aujourd’hui.

Cet ouvrage de public history répond aux canons de la recherche universitaire par la variété de ses sources et le sérieux de l’analyse. Une riche illustration le rend vivant, avec des photographies de personnes et de bulletins, des tableaux récapitulatifs et des cartes appropriées. L’étude précise de nombreux affaires éclaire le contexte juridique et les moyens d’action des Autonomes, les annexes livrent des extraits de jugement instructifs. Malheureusement, des hésitations dans le plan et la longueur de certaines citations obscurcissent quelquefois le propos de l’auteur.

Le livre est structuré en trois chapitres. Le premier aborde les aspects juridiques, à travers l’évolution de la législation et de la jurisprudence. Jusqu’en 1937, tout accident survenu pendant la classe est susceptible de poursuites, quels que soient les torts de l’enseignant. Puis, une loi transfère l’essentiel de la responsabilité à l’Etat et la charge de la preuve à la victime. Enfin, face au durcissement de la jurisprudence, une loi restreint en 2000 les cas de délit non intentionnels. Cependant, la synthèse n’est qu’esquissée, au détriment de la compréhension des enjeux juridiques et sociaux sur le temps long.

Les chapitres suivants déroulent la chronologie de l’association. L’ouvrage analyse ses débuts difficiles. Plusieurs projets s’affrontent à la fin du XIX° siècle, dans le département fondateur de la Haute-Garonne. D’un côté, la société contre les accidents, dont le président Lamourère détourne l’argent, grâce à la surfacturation d’un journal anticlérical et antisyndical. De l’autre, des associations autonomes dans chaque département, créées par Campan à partir de 1903 et soutenues par les amicales, associations pré-syndicales. Une vive lutte judiciaire et politique s’ensuit. Campan bénéficie de l’aide de Jaurès et Waldeck-Rousseau et l’emporte finalement. Pour chapeauter le réseau des autonomes départementales, il crée en 1909 une assurance, l’Union Solidariste Universitaire.

Dominique Lerch se penche aussi sur le fonctionnement souple de la Fédération, dont la direction et les archives sont confiées chaque année à une association départementale différente. Un long processus de centralisation parisienne aboutit en 1995. Les Autonomes s’insèrent dans la galaxie des associations liées à la Fédération de l’Education Nationale, secteur que l’historiographie commence à mieux appréhender. Ainsi, la Ligue de l’Enseignement adhère à l’USU entre 1948 et 1961, alors que les rapports avec la MAIF oscillent entre concurrence et complémentarité.

Ce livre constitue donc une ressource appréciable pour l’histoire des réactions professionnelles à la justice et pour celle des associations de type mutualiste.