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Les inégalités d’apprentissage, par Élisabeth Bautier et Patrick Rayou

Programmes, pratiques et malentendus scolaires

mercredi 9 septembre 2009, par Tristan Poullaouec

Professeurs à l’université de Paris-VIII-Saint-Denis, É. Bautier et P. Rayou proposent dans cet ouvrage un retour synthétique sur les résultats de diverses enquêtes sur les processus d’apprentissage menées dans leur équipe de recherche dionysienne (ESCOL), à tous les niveaux du système éducatif, de la maternelle à l’université.

Ces « morceaux choisis » illustrent la cohérence d’une perspective consolidée depuis une vingtaine d’années autour de quelques idées fortes : en amont de l’investissement ou du rejet de l’école, il y a parmi les élèves quatre types de « rapports aux savoirs » ; inégalement favorables aux apprentissages, ces différents rapports au savoir sont tous au cœur de leur « expérience scolaire » ; le « métier d’élève » qu’ils mettent souvent en œuvre en lieu et place de véritables « activités d’apprentissage » témoigne de fréquents « malentendus sociocognitifs » entre les exigences implicites des enseignants et ce qu’ils en comprennent.

Les auteurs placent ici au centre de leur analyse les situations scolaires qui constituent « la trame des malentendus » (chapitre 1). Ils prolongent ainsi les conclusions formulées dès les années 1960 par Bourdieu et Passeron sur le besoin d’une pédagogie rationnelle réduisant au minimum le « malentendu sur le code » scolaire. Cette transformation des pratiques d’enseignement est d’autant plus souhaitable que les changements intervenus depuis trente ans dans les contenus d’enseignement et les dispositifs pédagogiques ont considérablement brouillé la forme scolaire (chapitre 2). Les observations réalisées en classe montrent ainsi la multiplication des situations où, faute d’identifier les enjeux cognitifs faiblement cadrés des débats, des jeux, des exercices à trous, des cours dialogués ou des évaluations, bien des élèves se contentent d’accomplir les tâches indiquées sans en dégager les connaissances proprement scolaires implicitement visées par les enseignants (chapitre 3).

Après avoir bien souligné, du côté des élèves, l’obstacle pour la réussite scolaire que constituent des rapports strictement utilitaires au savoir, les chercheurs d’ESCOL mettent aujourd’hui à juste titre l’accent, du côté des enseignants, sur les manières de conduire les apprentissages susceptibles de favoriser les malentendus scolaires : « […]Les évolutions en cours qui remanient assez profondément les contenus curriculaires, en particulier par l’affaiblissement des savoirs disciplinaires au profit de la valorisation des démarches de construction des savoirs, des compétences cognitives et langagières complexes, conduisent les enseignants à mettre en place des dispositifs d’apprentissage plus opaques, moins maitrisables pour eux-mêmes » (chapitre 4, p. 142-143). Ce déplacement du regard fragilise peut-être la notion de malentendu. Comment les élèves pourraient-ils entendre ce qui n’a pas été explicité ? In fine, les auteurs pointent utilement des lacunes dans la formation des maîtres, rarement préparés à analyser les difficultés d’apprentissage des élèves.

Recension parue dans L’Humanité