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Les SES : histoire de la discipline, état des controverses

vendredi 19 octobre 2012, par Élisabeth Chatel et Gérard Grosse

Cet état des lieux de la discipline scolaire intitulée "Sciences économiques et sociales" s’appuie sur des textes et travaux antérieurs et n’offre pas de point de vue vraiment nouveau sur la discipline mais elle en fait la synthèse. Les ressources sur lesquelles il s’appuie sont pour l’essentiel des textes et rapports officiels, des travaux de recherche, des écrits des « ténors » de la discipline, ceux qui en raison de leurs travaux ou de leur position institutionnelle ont accès à une parole « légitime ». Les grands absents ce sont, d’abord, les professeurs, assez peu étudiés dans le quotidien de leur travail professionnel : préparation de cours, séquences en classe, relations avec les collègues, les élèves, les parents, etc., correction de copies, etc. A quelques rares enquêtes près (dont celles conduites par le passé à l’INRP, mais qui demanderaient à être renouvelées), on sait très peu de choses sur l’activité réelle des enseignants de SES, comme de la plupart des professionnels de l’éducation d’ailleurs. Les élèves sont les autres grands absents pour les mêmes raisons. En effet, la dernières fois qu’on leur a demandé un avis sur les enseignements qu’ils recevaient date de 1998 et de l’enquête pilotée par Philippe Meirieu sur « Quels savoirs enseigner dans les lycées ? »

Cette contribution s’articulera en trois temps. D’abord une présentation de l’histoire de cette discipline scolaire presque quinquagénaire et des professeurs qui l’enseignent.

Ensuite, une focalisation sur l’évolution des programmes et des formes d’évaluation de leur apprentissage par les élèves.

Enfin, un éclairage est donné sur quelques controverses qui ont traversé et agitent encore la discipline.

1. L’évolution institutionnelle de la discipline

1.1. Historique

Les sciences économiques et sociales sont une matière composite de par ses champs scientifiques de référence. Ceux-ci sont respectivement l’économie, la sociologie, la science politique, plus accessoirement l’histoire économique et sociale, la démographie, l’ethnologie ou le droit etc.

1.1.1. Origine

La discipline est créée en même temps que la filière B des lycées, à l’occasion de la réforme Fouchet de 1966. Cette réforme est d’une grande importance car la création des filières techniques d’une part et celle de la voie B dans l’enseignement général de l’autre vont remodeler durablement le second cycle du second degré et permettre l’accès massif au baccalauréat, qui s’étendra encore en 1987 par la création des baccalauréats professionnels.

La mise en forme de ce nouvel enseignement est confiée à Guy Palmade et Marcel Roncayolo, respectivement historien et géographe, tous deux proches de Fernand Braudel et pénétrés de la démarche de pensée de l’école dite des “ Annales ”. Cette discipline est inscrite dans une nouvelle voie d’enseignement, la « B », qui deviendra « E.S. » (économique et sociale) en 1993. Voie d’enseignement général, il ne s’agissait pas de préparer directement à une profession, ni de pré spécialiser les élèves dans une discipline particulière de l’Université, on la voulait, selon l’expression d’Antoine Prost, inspirée d’un humanisme moderne, c’est à dire visant une compréhension critique du monde contemporain dans ses dimensions économiques et sociales. Même si des options de sciences économiques et sociales ont pu être offertes aux élèves des autres séries dans les années 80, discipline et série seront toujours étroitement liées.

1.1.2. Évolution des effectifs

La création et le développement de la série B correspondent à la première massification de la scolarisation dans le second cycle long. Les effectifs des élèves de lycée sont multipliés par 3,2 entre 1960 et 1988, alors que les effectifs des jeunes d’âge correspondant n’augmentent que de 12,4 % sur cette période. Sur la période 1970-88, les effectifs du second cycle long sont multipliés par 1,44 quand ceux des B le sont par 2,45. Au total, de 1970 à 1990, le nombre de bacheliers généraux augmente d’un peu plus de 100 000, dont environ la moitié au titre des bacheliers B. Jusqu’à la fin des années 80, la série économique et sociale a participé à la massification de l’enseignement au lycée.

Depuis, le poids relatif des bacheliers ES a diminué dans l’ensemble des bacheliers du fait de l’augmentation des bacheliers professionnels, mais augmente légèrement au sein des bacheliers généraux et technologiques.
Ainsi, en 2010, on comptait en première comme en terminale ES environ 100.000 élèves et le bac ES « fournissait » 22,4% des bacheliers généraux et technologiques (GT) soit 3 points de plus par rapport à 1994. A titre de comparaison, la même année, les chiffres étaient de 34,3 pour le bac S (+3 points), 22,7 pour les bacs technologiques tertiaires (+1 point).

Ajoutons que 85% des 500.000 élèves de seconde générale et technologique suivaient un « enseignement d’exploration » de SES. L’année précédente – avant la mise en œuvre de la réforme des lycées, 43,5% des élèves de seconde GT suivaient un « enseignement de détermination » de SES

1.1.3. L’adhésion des élèves et des familles

Si on en juge par cet accroissement des effectifs des filières B puis ES, on peut considérer que se manifeste une certaine adhésion des lycéens et de leur famille à la filière économique et sociale mais, il est vrai que le choix de cette orientation est parfois contraint soit par la carte scolaire soit par l’impossibilité d’accéder à d’autres filières, plus sélectives. Néanmoins le soutien massif apporté par les familles en 1976 puis à nouveau en 1980, quand elles seront sollicitées pour défendre la discipline menacée de disparition, montre que l’accueil est très positif. De plus, cette discipline, contrairement à d’autres, paraît bien reçue des lycéens comme le montrent les rapports issus de la consultation des lycéens organisée en 1998 par Philippe Meirieu à la demande du ministre de l’éducation nationale.

1.2. Les enseignants de SES

Après avoir évalué le nombre de professeurs de SES on s’attachera à cerner les contours de leur identité professionnelle.

1.2.1. Les effectifs

Au début des années 70, la discipline ne compte que quelques centaines d’enseignants, le millier est atteint à la fin des années 70, 2000 au milieu des années 80, 3000 au milieu des années 90 et près de 4000 depuis les années 2000 (enseignement public seulement, 3 864 en 2010-2011). Avec les professeurs du privé sous contrat on peut estimer à 5000 le nombre de professeurs de SES.

Ces chiffres sont équivalents à ceux des professeurs de philosophie, et représentent moins d’un cinquième des professeurs d’histoire-géographie (qui enseignent en collège ou en lycée) ou d’économie-gestion (série STMG).

Le corps des professeurs de SES ne présente pas de spécificité notable en terme d’âge ou de statut, mais présente une double particularité : être paritaire en terme de sex-ratio, ce qui est rare dans l’enseignement secondaire et compter une proportion particulièrement élevée de non-titulaire, 5% en 2010-2011(Repères et références statistiques –MEN 2011).

1.2.2. Identité professionnelle

On manque de données sur la formation initiale, mais, si l’on se fie à une enquête ancienne (Jean et Rallet 1993), on peut estimer qu’environ les deux-tiers ont suivi des cursus d’économie. Cependant, les formations initiales des professeurs de SES sont diversifiées (sciences économiques, AES, droit, sociologie, IEP, écoles de commerce, histoire etc..). Plus que dans d’autres disciplines, les trajectoires sont diverses : les expériences professionnelles antérieures autres que l’enseignement ne sont pas rares.

Pourtant l’identité professionnelle disciplinaire est forte. Au début, elle s’est construite au travers les stages de Sèvres et en proximité avec les premiers inspecteurs. Elle a été périodiquement réactivée au travers ce qui a été considéré comme des attaques contre l’existence de la discipline ou son « identité » (le « nous nous battrons pour un adjectif » de 1980).

Ce sentiment identitaire s’enracine dans des motivations communes. L’enquête évoquée ci-dessus montre que dans les motivations des professeurs, ce qui prime c’est, pour beaucoup, une dimension politique : le « refus d’une carrière marchande » et le rejet de « la logique et des valeurs de l’entreprise ». Mais l’aspect principal est didactique : un intérêt intellectuel pour une matière pluridisciplinaire, dont l’objet impose des actualisations fréquentes, une volonté de participer à la formation du citoyen. L’enquête menée par Thomas Benatouïl (Benatouïl 1997), si elle met à jour la diversité des positionnements par rapport au « modèle pédagogique » de la discipline, en partie liée à la diversité des trajectoires, confirme néanmoins la prégnance de cette dimension civique. La majorité des enseignants de SES interrogés manifestent leur volonté de ne pas seulement transmettre des connaissances, mais, ce faisant, de fournir des outils de compréhension du monde et de construction d’un esprit critique.

L’engagement dans la discipline s’accompagne souvent d’un engagement associatif et syndical. Un professeur de SES sur quatre environ adhère à l’APSES. Et si on ne retient que l’enseignement public, le taux doit approcher un sur trois. C’est une proportion particulièrement élevée. De même, la proportion de professeurs de SES syndiqués est particulièrement forte, on peut estimer qu’un professeur de SES sur trois, et même probablement un sur deux dans le public est syndiqué, ce qui est une proportion supérieure à la moyenne des enseignants du secondaire. Leur formation et le contenu de leur enseignement les placent dans une situation particulière. Leurs connaissances des transformations économiques et sociales, des enjeux de la politique économique, des mécanismes de la reproduction et de la mobilité sociale etc. les conduisent souvent à un point de vue mieux informé et ainsi à joindre engagement dans la discipline et engagement associatif, syndical ou politique.

Aux moments critiques de l’histoire institutionnelle de la discipline (début des années 80, 1998, 2009-2011) l’association a joué un rôle mobilisateur des enseignants de SES et a su trouver des appuis auprès des élèves, des parents, des universitaires et des hommes politiques. N’hésitant pas à jouer un rôle de quasi-syndicat en appelant à des grèves et des manifestations spécifiques à la discipline.

1.3. Les difficultés institutionnelles

Les difficultés institutionnelles sont récurrentes pour les sciences économiques et sociales. Elles proviennent presque invariablement de projets de réformes, proposés au Ministère de l’éducation nationale qui se répercutent négativement sur la discipline, sans que, dans tous les cas, ce résultat ait nécessairement été recherché.

1.3.1. Le partage des territoires disciplinaires

Dans les années soixante-dix les difficultés commencent à l’occasion de la réforme Haby des collèges (1974-75). Celle-ci va mettre les professeurs de SES directement en concurrence avec ceux d’histoire et géographie. Avec les sciences et techniques économiques (économie-gestion) il y a aussi concurrence pour savoir à qui l’enseignement de l’économie des lycéens va échoir, après le rapport Bourdin préparant la réforme Beullac (1979-80). Il est vrai que cette concurrence s’enracine dans une histoire plus ancienne, l’enseignement de l’économie ayant d’abord été dévolu aux professeurs d’économie et gestion dans les années 1950. Ceux des professeurs qui ont connu ces expérimentations ont pu ressentir la création de la voie B et des SES comme une agression et une mise en cause de leurs compétences en économie. La tension avec l’APSTE sera exprimée lors des projets de réforme Chevènement 1985 puis Monory 1986, qui prévoyaient l’éclatement de la discipline et/ou de la série mais ces projets n’aboutiront pas.

Depuis, ces tensions se sont atténuées et la présence des sciences économiques et sociales dans le lycée est mieux assurée, mais elles peuvent ressurgir. On en a pour preuve, par exemple, la déclaration d’Alain Boissinnot, alors directeur des lycées au ministère, à la fin des années 90 : « la création des SES en 1966 était une erreur génétique » sous-entendant que l’initiation aux sciences sociales aurait du être assurée par les professeurs d’histoire-géographie ; ou encore crainte de marginalisation de la discipline au moment de la réforme lancée par Allègre ; concurrence avec les professeurs d’histoire-géographie pour l’attribution des enseignement d’ECJS après 1998 ; ou enfin tout récemment projet de fusion entre les enseignements d’exploration de SES et de PFEG en seconde dans lequel beaucoup de professeurs de SES voient le risque d’une absorption à terme par l’économie-gestion.

1.3.2. Les relations avec les économistes du supérieur.

Cette question concerne le contenu donné à l’enseignement économique du second degré dans les filières générales. Les économistes ont été consultés lors de la création des SES et sur les projets de programmes discutés entre 1965 et 1967. Ils avaient alors travaillé dans un esprit de collaboration avec les autres sciences sociales notamment dans le cadre tracé par l’historien des Annales, Charles Morazé. Cependant, les temps changent, de jeunes économistes réunis en 1982 dans une commission sur les pré-requis pour l’enseignement supérieur sont très critiques à l’égard de cette orientation de l’enseignement économique secondaire. Ayant eux-mêmes vécu comme un progrès pour la science économique la scission des facultés de Droit et de Sciences économiques après 1968, ils craignent de trouver dans les SES, un reste d’une approche de l’économie qu’ils jugent trop vague, trop peu rigoureuse et, de ce fait, tentée par l’idéologie.
Cette analyse n’est pas celle du rapport Malinvaud de 1989. Celui-ci, au contraire, fait de la filière B un bilan positif et affirme la pertinence de l’objectif qu’il nomme “ culturel ” de cet enseignement pour le second degré. Il sépare ainsi clairement la question du contenu à donner à l’enseignement de l’économie de niveau scolaire et celui du niveau universitaire.

Mais elle sera en partie reprise par le rapport de la commission Guesnerie. Celle-ci est présidée par Roger Guesnerie, professeur au collège de France, et installée par X. Darcos alors ministre de l’éducation nationale afin « d’auditer » les programmes et les manuels de sciences économiques et sociales. Le rapport estime certes que les sciences économiques et sociales ont toute leur place dans le lycée d’aujourd’hui et de demain car elles sont un pilier fondamental de la formation du citoyen dans notre monde contemporain. Mais il préconise d’inverser la démarche de conception des programmes. Leur objectif doit être l’acquisition de « fondamentaux » (connaissances et compétences). Les thèmes viennent en second et pour autant qu’ils servent à l’apprentissage des fondamentaux. Comme ces fondamentaux sont disciplinaires, le rapport penche vers une démarche d’initiation à l’économie (surtout) et à la sociologie. Double rupture par rapport au projet initial des sciences économiques et sociales : l’initiation aux « sciences de référence » devient la priorité et leur intégration doit être l’exception.

2. L’évolution des contenus d’enseignement

Les programmes, lettre de ce qu’il est prescrit d’enseigner, délimitent le contenu éducatif que le système d’enseignement s’engage à faire apprendre à la jeune génération. Ils dessinent les contours d’une obligation sociale que le système scolaire remplit et dont l’accomplissement est le fait des professeurs.

On reviendra donc d’abord sur l’évolution, contrastée, des textes prescriptifs depuis les premiers programmes de la fin des années 60 jusqu’à ceux issu de la réforme du lycée initiée par Luc Chatel.

On complétera cette analyse d’une présentation des formes d’évaluation finale au baccalauréat qui, par induction, déterminent les formes d’évaluation en classe.

On s’en tiendra au prescrit, mais il faut se garder d’oublier que ce qui s’enseigne dans les classes est souvent différent de la lettre du programme.

2.1. Les programmes

Il serait intéressant de retracer les évolutions dans les modalités de rédaction des programmes, notamment s’agissant de la diversité et du poids des différents acteurs : inspection, universitaires, professeurs de terrain, mais cela ne sera pas fait ici faute de place.

Les modifications de programme doivent être mises en relation avec les difficultés institutionnelles présentées ci-dessus et avec certaines controverses qui seront évoquées infra.

2.1.1. Les programmes initiaux

Les premiers programmes de sciences économiques et sociales portent la marque de leurs auteurs, historiens et géographes inspirés de l’école des Annales et de l’esprit de l’Ecole pratique des hautes études (aujourd’hui EHESS). Ils sont écrits en proposant successivement à l’étude un certain nombre d’objets sociaux, susceptibles de constituer des « problèmes ». L’intégration pluridisciplinaire des sciences sociales est conçue en termes d’apport de ces diverses disciplines des sciences de la société au traitement de ces problèmes. Il ne s’agit donc pas véritablement de les étudier pour elles-mêmes. La finalité culturelle est affirmée : il s’agit de former « une attitude intellectuelle », des « habitudes mentales », un point de vue « critique » à l’égard des phénomènes sociaux en donnant aux élèves les moyens d’exercer leur jugement.

Les premières instructions de SES, celles de 1967, sont très longues. Elles précisent les méthodes actives qu’elles veulent instaurer, elles tracent les contours d’un enseignement qui se veut expérimental aux deux sens du terme : en tant qu’expérience nouvelle d’enseignement et en tant que façon d’aborder les sciences de la société en ayant le souci du matériau empirique. Néanmoins, malgré la longueur de ces conseils, on y accorde aux maîtres une entière responsabilité dans la conduite de l’enseignement.

2.1.2. Le tournant des années 80

Les changements très importants dans les programmes qui s’opèrent en 1982, puis à leur suite en 1988, sous l’effet des « attaques » d’économistes universitaires, correspondent à l’inflexion de ce projet au profit d’une logique disciplinaire, celle de l’économie. Cette logique économique sous-tend très nettement le programme de seconde par exemple, malgré le maintien de l’étude de la famille. Au lieu d’une optique à la fois problématique, intégrative et servant une finalité culturelle, la discipline d’enseignement se met à pencher vers une formation à finalité plus strictement académique, correspondant plus à l’idée de « transposition » d’un domaine savant. Ce n’est d’ailleurs pas l’analyse économique dans son entier qui est transposée, mais surtout la macroéconomie, plutôt d’inspiration keynésienne. Cette optique macroéconomique rend possible le maintien d’une dimension sociale manifeste dans les contenus de l’enseignement. Elle laisse place à la description des phénomènes sociaux et ne perd pas de vue la dimension critique, même si la finalité culturelle domine moins nettement.

De 1967 à 1982-88, on peut remarquer la disparition des références aux « faits » (économiques et sociaux) et à la « vie économique » au profit des notions de « structure », qui organise l’enseignement de première, et de « système », qui organise celui de terminale. Les termes de « structures » et de « systèmes » expriment un mode d’intégration des dimensions économiques et sociales. On peut y lire l’effet du poids des hauts responsables de l’INSEE, servant de caution scientifique, avec la collaboration de professeurs qui avaient gagné la bataille politique pour le maintien de la discipline dans ses composantes économiques et sociales.

Le changement dans le rôle et la responsabilité attribuée au professeur se situe de ce point de vue dans les instructions de 1988. Beaucoup plus courtes, elles concèdent le principe de liberté pédagogique, mais ne recommandent pas aux professeurs, comme le faisaient les précédentes, de construire par eux-mêmes une démarche cohérente. Au contraire on attend plutôt d’eux qu’ils respectent l’ordre du programme. Ainsi le programme, de liste de questions à traiter ou de thème à aborder, devient-il subrepticement la trame d’un plan de cours. L’indication en marge des durées approximatives de traitement des sous-parties contre-indique, de plus, des remaniements trop importants. Cette optique d’encadrement plus strict se confirme dans les programmes successifs dans lesquels on cherche à mieux délimiter l’extension des divers points par une modification de la forme de présentation du programme en colonnes. En instaurant deux ou trois niveaux d’écriture, on distingue clairement le programme de l’enseignement, première colonne, du programme d’apprentissage des élèves, deuxième colonne, interprétée ou complétée pour le maître dans la troisième colonne. La deuxième colonne, en grande partie inspirée des travaux exécutés au début des années 1980 dans les groupes sur les objectifs de référence, précise ces connaissances attendues par une liste de notions.

2.1.3. Celui de 1993-95

Le tournant de 1993-95 est probablement moins radical en termes de finalités, mais peut-être plus exigeant en matière de formation initiale des maîtres dans les disciplines savantes de référence. Il correspond à une tentative de rééquilibrage de la discipline d’enseignement vers les autres sciences sociales : les sciences politiques, la sociologie. C’est particulièrement patent avec les programmes de spécialité et celui de terminale dans lequel la partie sociologique suppose des exigences conceptuelles qui n’existaient pas à ce degré dans le passé. De ce fait ils servent plus qu’avant des objectifs d’explication et probablement moins de simple présentation ou description outillée des phénomènes économiques et sociaux. La tendance à plus de précisions dans l’écriture des programmes et plus de développements théoriques dans les exigences continue de se manifester.

Néanmoins, la perspective d’intégration n’est pas complètement perdue de vue. Elle exprime le souhait d’un enseignement qui conserve pour but affirmé « la compréhension du monde contemporain » et ne prétend pas servir strictement de propédeutique aux cursus universitaires d’économie ou de sociologie. Cette visée « culturelle » s’exprime dans les textes complémentaires qui affirment, contre l’apparence, que l’interdisciplinarité doit pouvoir s’exercer dans chacune des parties du programme. Elle se donne aussi à voir dans la tentative de rédaction « problématisée » du programme de terminale et dans la question « du changement social » qui y court de part en part avec ses aspects conjointement descriptifs, explicatifs et normatifs.

Ainsi, dans les années 1993, le courant proche de l’APSES, et favorable à la forme de pluridisciplinarité pratiquée en SES, l’a emporté. Il a imprimé son influence sur les programmes de SES réécrits lors de la « Réforme pédagogique des lycées ».

2.1.4. Les programmes de 2008-2010.

Dans les années 2000, la conjoncture politique est différente. Le pouvoir politique au Ministère est à l’écoute des critiques de l’enseignement des SES qui émanent du monde patronal. Des économistes universitaires se sentent en phase avec cette évolution, dès lors qu’elle conduit à rapprocher l’enseignement scolaire de ce qui se fait à l’université. Ceci permet de comprendre le tournant des programmes de 2010 : il
est appuyé par quelques enseignants de SES, porté par un courant d’idées bien relayé au ministère, à l’Inspection et à l’université, de sorte que cette conception de l’enseignement scolaire l’emporte, contre le point de vue de la majorité des enseignants de SES du secondaire.

Dans le cadre de la réforme du lycée menée par le gouvernement Sarkozy, la réécriture des programmes de SES, effectuée par un « groupe d’experts » à effectif restreint où les « professeurs de terrain » sont peu nombreux, s’appuie sur les conclusions du rapport Guesnerie.

Bien plus que les précédents, les derniers programmes en date – et tout particulièrement celui de première – manifestent une rupture entre la finalité de formation par les sciences sociales au pluriel, qui était celle de cette discipline scolaire jusqu’alors, et la visée prioritairement « scientifique » de ces nouveaux programmes qui est de « développer l’apprentissage rigoureux de savoirs disciplinaires ». Il s’agit de former à et non par la science économique, la sociologie, la science politique. Certains se félicitent de cette « refondation », d’autre, en particulier l’APSES, s’en inquiètent.

Autre rupture, l’orientation scientifique sous-jacente : le programme de première privilégie, tant en économie qu’en sociologie, les raisonnements en termes de choix issus de l’individualisme méthodologique. Cette orientation méthodologique est tout à fait différente du privilège donné à la macroéconomie et aux conceptualisations « holistes » dans les programmes antérieurs.

2.2. Les formes d’évaluation

L’évaluation des apprentissages des élèves est une activité quotidienne qui prend des formes diversifiées. On s’en tiendra ici à une analyse des modalités d’évaluation à l’épreuve terminale du baccalauréat, d’autant que les épreuves du baccalauréat influencent certainement la forme des épreuves de contrôle en amont.

2.2.1. Le modèle initial

Les premiers textes qui les dessinent datent d’octobre 1968, soit après la première session du bac B. Ils instaurent le principe d’une dissertation sur documents, avec deux sujets au choix. D’entrée de jeu se pose la question de l’interprétation du dossier documentaire et de son importance, s’agit-il d’un aide mémoire pour une dissertation, ou d’un véritable travail sur documents ? Ce qui va l’emporter dans la durée c’est l’interprétation initiale : le dossier appuie et sert l’argumentation, mais ne la fournit pas en son entier. Le libellé de la question prend des formes diverses. Le nombre et la taille des documents souvent très élevé vont se réduire et se normaliser progressivement.

2.2.2. La configuration actuelle

Dans les années 80, une discussion s’instaure alors dans la discipline au sujet du bac et se poursuit, afin d’envisager l’idée de créer une nouvelle épreuve à côté ou à la place de la dissertation. Dans un second temps, elle portera sur des aménagements à opérer dans l’épreuve de dissertation, que majoritairement les professeurs souhaitent maintenir en l’amendant.
Tout ceci contribuera à concevoir un cahier des charges très précis et contraignant pour chacune des deux épreuves qui vont en résulter.

Pour le tronc commun il y a deux épreuves au choix. Une nouvelle épreuve de synthèse créée en 1993. Elle comporte un travail préparatoire de 6 questions notées sur 10, suivi d’une question de synthèse, notée sur 10. Le candidat est invité à répondre à « la problématique donnée dans l’intitulé par une argumentation assortie d’une réflexion critique ». Le dossier est de trois ou quatre documents. Pour le sujet de dissertation les documents sont plus nombreux mais limités à 6. Le sujet de la dissertation invite le candidat à “ construire une argumentation à partir d’une problématique qu’il devra élaborer ».

Les deux épreuves ont donc des exigences un peu différentes. La préparation par des petites questions aide l’élève dans le travail sur les documents et le rassemblement des éléments nécessaires à la synthèse, dont la problématique (en fait les grandes lignes du plan) est fournie. Un élève peut obtenir la moyenne ou presque, sans bien comprendre le problème dont il est question dans le dossier. C’est donc une épreuve un peu trompeuse pour juger des qualités de compréhension des élèves, mais plus précise pour juger de l’exactitude de leurs connaissances. Cependant, la deuxième épreuve n’a pas chassé la dissertation car elles portent chacune sur des thèmes différents, les élèves se préparent donc aux deux épreuves. De la sorte, l’effet retour de l’épreuve sur l’enseignement est positif. L’épreuve de synthèse oblige les élèves à travailler plus sérieusement les documents et à ne pas négliger de revoir leurs cours, de connaître de définitions avec précision, de savoir un peu traiter l’information statistique, etc.

2.2.3. Les épreuves prévues en 2013

La réforme du lycée s’accompagne de celle des épreuves au baccalauréat, imposée unilatéralement par l’inspection générale.

Pour s’en tenir à l’essentiel on peut noter deux modifications majeures. L’épreuve de synthèse est supprimée. Elle faisait, il est vrai, l’objet de critiques assez nombreuses : difficultés récurrentes d’harmonisation des attentes pour les réponses aux questions du travail préparatoire, caractère répétitif de l’épreuve puisque les réponses aux questions préparatoires devaient être utilisées dans la question de synthèse et risque de « double peine » en cas de mauvaises réponses à ces questions, aspect exagérément formel de la formulation de la question de synthèse. Elle est remplacée par une « épreuve composée » constituée de 3 parties indépendantes qui portent sur 4 chapitres différents du programme. La dissertation sur documents est maintenue, mais avec un dossier documentaire modifié et de nouvelles règles dans le libellé des sujets.

La nouvelle épreuve est exigeante en termes de récitation de notions ou mécanismes précis et très peu en matière de problématisation, argumentation, rédaction, les débats y sont proscrits. C’est cette interdiction du débat qui provoque le mécontentement des enseignants.

Le nombre de documents (essentiellement statistiques) du dossier accompagnant la dissertation est réduit et le libellé doit éviter d’induire un « plan-type », donc « Pourquoi … » ou « Montrer que … » plutôt que « dans quelle mesure … ».

Ces nouvelles épreuves qui doivent s’appliquer pour le baccalauréat 2013 semblent en résonance avec les nouveaux programmes bâtis sur l’objectif de transmission des « fondamentaux » de l’économie et de la sociologie. Elle rencontre l’hostilité d’une grande partie du corps enseignant et leur inquiétude sur l’incertitude ainsi générée.

2.3. Limite de l’analyse : faible connaissance des curricula réels

Les enseignants, en particulier les plus novices s’appuient beaucoup sur les manuels. Ceux-ci proposent une interprétation du texte officiel. Et les professeurs ne s’en tiennent généralement pas à la lecture des programmes que les manuels proposent, souvent avec une certaine diversité. Ce travail d’interprétation personnelle est important parce qu’il permet de mieux maîtriser la matière de l’enseignement en cherchant à bâtir pour soi-même une cohérence.

Or, on connait peu les contenus effectivement enseignés et on ne connaît pas beaucoup mieux les contenus appris, si ce n’est à travers le prisme de l’évaluation finale au baccalauréat.

Les quelques recherches qui ont été conduites sur les pratiques professionnelles des enseignants de SES montrent clairement que les programmes sont interprétés par les enseignants, parfois ils peuvent même s’éloigner de son « esprit » (enquête conduite au début des années 1990 (Chatel et alii 1995)).

Les enseignants opèrent, pour partie consciemment pour partie moins, des choix didactiques en fonction de leur propre lecture du programme, du manuel utilisé, de leur formation ou encore de la « configuration » particulière des classes. Ainsi, une expérimentation menée à l’INRP (Chatel et alii 2000) a fait apparaitre qu’un projet commun à deux professeurs pouvait conduire à des cheminements de cours et, in fine, à des savoirs assimilés par les élèves, différents. En dépit de la préparation commune et de l’accord initial, des différences entre les deux enseignants, différences de « style pédagogique », de conception du (des) savoir(s) et d’attentes vis à vis des élèves, ont joué. Et, d’autre part, les deux classes étaient très éloignées quant à l’esprit qui les animait. Les élèves y étaient individuellement, mais aussi collectivement différents. Ce qui a facilité dans un cas et freiné dans l’autre la fécondation réciproque des expériences sociales et influencé le contenu des savoirs élaborés dans les deux classes.

La majorité des enseignants de SES manifestent le souci de ne pas seulement transmettre des connaissances, mais aussi de fournir des outils de compréhension du monde et de construction d’un esprit critique. Ainsi comme l’exprime un professeur de SES à l’occasion d’une enquête (Chatel et alii 2002) « les élèves sont aveugles aux déterminismes sociaux, le cours sur la socialisation peut être le moment de les amener à questionner ces habitus incorporés dans les façons profondes de fonctionner ».

Néanmoins, même si l’écart entre le « prescrit » et le « réel » est certainement irréductible, avec les deux dernières séries de programme (2002 et surtout 2010-2011) les « indications complémentaires », qui font partie du programme, visent à un encadrement plus strict des pratiques. On peut regretter qu’elles laissent, en conséquence, peu de place aux interrogations et aux discussions, il s’agit surtout de « montrer », « exposer », « mettre en évidence », etc. Préconisation il est vrai cohérentes avec l’objectif de transmettre des « fondamentaux » conçus comme des outils prêts à l’emploi.

3. Débats et controverses

Quel objet pour la discipline d’enseignement scolaire ?

Une opposition se dessine entre les enseignants de SES dès la fin des années 1980 en relation à la pluridisciplinarité des programmes. Contre la majorité des enseignants favorable à une forme d’intégration des diverses disciplines académiques constitutives des SES, une minorité active se montre, au contraire, très critique de la forme de pluridisciplinarité pratiquée en SES, relayant ainsi le point de vue d’économistes universitaires.

Par leur intermédiaire, cette critique a exercé une influence sur l’inspection et sur la rédaction des programmes. Un professeur joue particulièrement un rôle dans cette évolution, il s’exprime très fréquemment dans les revues de la discipline et sur son blog. Alain Beitone défend, dès le début des années 1990, le point de vue selon lequel il faudrait séparer économie et sociologie dans les SES. Il appuie son propos sur la théorie de la transposition didactique d’Yves Chevallard et sur l’idée que les méthodes scientifiques et les objets de ces deux disciplines sont nettement différents. Il faut, selon lui, diminuer l’écart entre les savoirs savants et les savoirs enseignés (Beitone et Legardez 1995) et renforcer ainsi la valeur scientifique de l’enseignement, contre les approximations et les idéologies.

Sur la position opposée s’expriment, de longue date également, d’autres ténors de la profession. Ils sont, eux aussi dotés de ressources intellectuelles et/ou institutionnelles et à ce titre susceptibles de faire autorité. C’est le cas notamment de Pascal Combemale ou encore de Christian Laval. Ils défendent des points de vue qui convergent avec la position de l’association de spécialistes, l’APSES.

Tout d’abord ils dénoncent l’un et l’autre inlassablement ce qui serait une fausse querelle menée par A. Beitone, étiquetant des opposants imaginaires à l’enseignement des théories. Ils défendent la richesse d’un enseignement qui, acceptant l’étude « d’objets problèmes », permet de croiser des points de vue divers et des approches différentes ; notamment au plan disciplinaire. Ils établissent chacun à leur façon, un lien entre la vocation éducative de cet enseignement et sa perspective critique, ferment de démocratie. « L’aspect éducatif (attitude scientifique, esprit critique, sens de la responsabilité sociale, propension au questionnement, pratique du débat), écrit Laval (Laval 2008), est tout aussi important que l’aspect proprement cognitif ». Quant à Combemale, invité dans une manifestation publique de l’APSES en mars 2008, il établit une relation forte entre l’éducation démocratique à laquelle les SES doivent contribuer à ses yeux et leur contenu. Il parle des SES dans ces termes : « Elles existent pour des raisons politiques parce qu’une démocratie réelle a besoin de citoyens instruits participant activement à la construction de leur destin
collectif. (…) C’est pourquoi notre enseignement part de ces questions, lesquelles font inévitablement débat quand il s’agit d’enjeux majeurs pour notre société » (Combemale 2008).

Il existe tout de même des points d’accord. Tous les protagonistes s’accordent sur le caractère, disons pour faire simple, “ pluridisciplinaire ” de cet enseignement. Personne ne souhaite voir s’effacer l’une ou l’autre des principales références savantes des SES. Quant à l’approche scientifique des phénomènes sociaux, nul ne défend une position empiriste, tous s’accordent pour reconnaître le caractère construit de leur approche. Tous conviennent que les représentations que les élèves ont, avant l’enseignement, de ces phénomènes constituent une forme de connaissance à prendre en compte pour assurer l’enseignement. Tous enfin visent une connaissance qui, quand elle passe par la description, conduise à interroger les moyens de la description et parfois la dépasse pour engager la compréhension ou l’explication des phénomènes.

Un enseignement qui importe aux milieux patronaux

A diverses occasions, des groupes interviennent, parfois avec insistance, pour mettre publiquement en débat le contour de l’enseignement économique des lycées. Ils sont issus de milieux « économiques », le plus souvent proches du patronat ou des milieux politiques situés à droite sur l’échiquier politique. Les thèmes et les méthodes pour intervenir dans l’agenda politique sur cette question sont assez semblables d’une période à l’autre : offensive sur la situation existante qui prend la forme d’articles critiques dans la presse économique principalement relatifs aux contenus des manuels scolaires ; éventuellement étayés par des enquêtes ou des sondages ; cela sert à saisir les instances politiques et tenter de demander la réunion d’une commission pour faire bouger la dite situation.

Dans les années 1960-1970 : l’offensive sur ce thème vient du CNPF, qui met en avant l’inculture économique des français. Dans les années 1980, il s’agit plutôt de modifier les contours de l’enseignement existant. L’offensive est celle des Club « Perspectives et réalités », club de réflexion économique et social de la droite libérale. Elle va être relayée par des économistes universitaires. C’est la perspective pluridisciplinaire des SES qui est visée ainsi que sa pédagogie « active ».

Dans les années 2000, la critique issue des milieux économiques et patronaux reprend et s’organise systématiquement.

Cet ensemble d’initiatives semble correspondre à une même intention d’intervention dans le curriculum. La critique ouverte et répétée des manuels conduit le ministère à créer, début 2008, une commission, dirigée par Roger Guesnerie, professeur d’économie au collège de France, ayant pour mission d’examiner les manuels et au-delà de donner des avis sur l’orientation de l’enseignement des SES au lycée.

Ce dernier mouvement est assez semblable aux précédents dans les méthodes, mais la volonté d’influencer les contours de l’enseignement, le curriculum formel et le curriculum réel, est plus affirmée. Issu de milieux économiques dirigeants, souvent patronaux, il manifeste, par son existence, l’importance sociale que représente, pour ceux-ci, l’information économique et plus précisément la vision qui est donnée de l’entreprise par l’enseignement scolaire. La volonté d’intervenir sur le contenu et les méthodes montre que cet enseignement est considéré comme étant un rouage très important dans la construction de l’opinion et des représentations du monde économique et social. Cela montre aussi que son contenu actuel ne convient pas aux attentes de ce groupe dans la mesure, précisément peut-on supposer, où cet enseignement ne vise pas à former des « comportements » économiques, mais à transmettre un savoir sur les comportements économiques des agents sociaux, plus largement un savoir objectivé sur les interdépendances économiques et sociales.

Quelles relations des savoirs scolaires et des savoirs du champ scientifique et universitaire ?

Deux sortes d’influence d’ordre scientifique président à l’évolution des contenus de l’enseignement des SES. Une logique académique qui se traduit par la baisse de la dimension historique dans les SES et la montée de l’économie, puis de la sociologie, la science politique restant toujours assez marginale. Cette logique disciplinaire tend à chercher une forme d’alignement réciproque entre les contenus scolaires et universitaires. Ainsi les savoirs scolaires se trouvent légitimés par la caution universitaire. C’est cette logique académique que décrivent les travaux de la sociologie anglaise du curriculum.

Cependant, une autre logique est également visible. On trouve dans l’évolution des contenus enseignés en SES un écho du poids relatifs des divers courants de pensée internes aux disciplines. Par là se répercutent dans l’histoire des SES les grandes fractures méthodologiques dans les sciences de la société. Au tout début, les choix fondateurs sont effectués par des chercheurs proches des historiens des Annales. Ils conçoivent cet enseignement scolaire dans l’esprit qui anime leurs démarches de recherche, en profitant de cette opportunité institutionnelle et des appuis politiques qu’ils ont alors au ministère de l’Education nationale. La création d’une nouvelle matière d’enseignement leur ouvre un espace pour envisager un enseignement des questions économiques et sociales de façon innovante. Leur conception de cet enseignement est inspirée de leur propre façon de travailler qui postule la complémentarité des diverses sciences de la société. Ils font alors triompher cette option qui n’avait pas réussi à influer l’enseignement de l’histoire scolaire dans les années précédentes. Ce faisant, ils font entrer dans l’enseignement une façon de concevoir le travail historien et les sciences de la société qui n’est pas la seule et ne fait pas consensus. Ensuite, la transformation des programmes de SES dans les années 1980 fait dominer la dimension économique dans les SES et donne le privilège à la macroéconomie sur la microéconomie, partie des connaissances économiques la plus susceptible d’accueillir les questions à résonance politique. De plus, cette orientation d’inspiration keynésienne, ou même parfois marxienne, critique à l’égard de la pure logique de marché, laisse place aux questions de société déjà présentes dans les programmes. Il y a donc un changement de l’appui disciplinaire de l’enseignement scolaire des SES, mais une certaine continuité du point de vue des principes scientifiques dans la façon de concevoir les sciences de la société.

Cette orientation, favorable à la critique de l’économie et de la société marchande, contrarie certains milieux économiques. S’en suit une deuxième sorte de tension à partir de 1980 et surtout dans les années 2000 qui fait écho à des conflits internes à la pensée économique. Une fois encore, c’est au plan de la méthode scientifique que se place la ligne de fracture relative à l’orientation à donner à l’enseignement scolaire des SES, entre une conception de la science économique comme science dure des faits économiques versus une économie politique, conçue comme science des faits sociaux dans leur dimension économique. La première se fonde sur une hypothèse forte de rationalité des comportements et de prévision du futur en termes de probabilité, la deuxième refuse cet alignement de la pensée économique sur des hypothèses jugées trop restrictives. Elle préconise une plus vaste pluralité interne des méthodes et une collaboration de l’économie avec les autres sciences sociales. C’est la première qui triomphe dans les derniers projets de programme.

Ces désaccords relatifs pour partie à la méthode des sciences sociales se répercutent dans les choix relatifs aux programmes d’enseignement. D’une certaine façon les parties en controverses au sein de ces sciences exportent leurs conflits sur un autre terrain en tentant d’exercer leur influence respective dans les programmes de l’enseignement scolaire en profitant du fait qu’elles sont consultées en la matière.

Quelle démarche didactique ?

Pour faire simple on peut distinguer chez les enseignants et formateurs d’enseignants deux visions différentes de cette question.

La première est portée par un courant de travaux inspirés de la théorie de la transposition didactique de Chevallard (Beitone et Legardez 1995). Pour ces auteurs, les savoirs des élèves ressortissent de représentations sociales. Il faut donc craindre une prise trop directe de l’enseignement sur ces savoirs souvent incertains, incomplets, inexacts, porteurs d’idéologies.

Les professeurs lorsqu’ils enseignent doivent prendre en compte ces savoirs déjà-là de façon à ce que leur enseignement contribue à réduire l’écart aux savoirs savants que ces représentations révèlent. Le didacticien, quant à lui, travaille à débusquer tous les dévoiements et écarts aux savoirs savants de référence qu’il peut trouver dans les programmes, les manuels ou même dans les cours. Les auteurs parlent à ce sujet d’assumer la transposition didactique. La norme de l’activité didactique doit donc être l’alignement maximal aux savoirs savants de référence (Beitone et Hemdane 2007). S’introduit alors une deuxième hypothèse relative à ces savoirs savants de référence, qui sont conçus comme nécessairement conformes aux découpages en disciplines académiques. La pluralité de courants de pensée au sein des disciplines est reconnue, le savoir savant disciplinaire de référence n’est pas un corpus unifié, ni consensuel. Ces auteurs proposent, à la fois théoriquement (Beitone 2006) et pratiquement dans les manuels auxquels ils contribuent, que l’on donne d’entrée de jeu aux élèves les clés méthodologiques et épistémologique de cette pluralité ; des préambules ou introductions aux parties économiques ou sociologiques doivent prévenir l’élève de ces principes différents.

Cette proposition ne rencontre pas l’adhésion majoritaire des enseignants aux yeux desquels ces précautions méthodologiques, ne pouvant être comprises des élèves, resteront de pure forme. Un autre point de vue didactique est exprimé dans divers écrits de professeurs qui réfléchissent à leur façon d’enseigner. Il porte, pour l’essentiel, sur la prise en charge du passage de la connaissance qu’ont déjà les élèves des faits sociaux à leur conceptualisation et théorisation dans les sciences de la société. Cela produit deux sortes de réflexions, les unes relatives à l’organisation de la progression de l’étude, les autres relatives aux découpages des éléments à étudier dans les programmes.

Sur la question de la progression de l’enseignement, Luc Simula, professeur collaborant aux travaux de l’INRP, défend un principe didactique de progression du complexe au simple (Chatel et alii 2000). Celui-ci stipule de ne pas refuser la connaissance que les élèves ont du monde économique et social, au prétexte qu’elle serait « non scientifique », mais de l’enrichir, de l’organiser, pour passer à l’analyse puis à la conceptualisation et, éventuellement, à la théorie. Ainsi la progression de l’enseignement ne va pas du simple au complexe selon la figure de l’emboîtement, de la complexification ou de la combinaison d’éléments simples, mais du particulier (qui est complexe) au général (ce qui simplifie). Soin et Grosse (Chatel et alii 2000), emploient l’expression de « distillation du réel » pour décrire le passage du foisonnement de l’expérience à sa conceptualisation. Il s’agit là d’insister sur le temps que prend le passage de ce qui est familier et connu des élèves, des questions qui sont éventuellement les leurs, à un autre niveau de connaissance. Jean et Rallet (Jean et Rallet 2009) préconisent alors d’organiser le programme autour de l’étude d’objets du monde social en procédant en spirale.

Ceci conduit à un deuxième thème de réflexion didactique relatif aux objets mis à l’étude. L’interprétation des programmes comme construits autour d’objet-problèmes légitime scientifiquement les choix didactiques constitutifs des SES et est reprise par l’APSES qui l’utilise pour défendre une spécificité des SES et un mode de constitution d’un enseignement pluridisciplinaire intégré. Mais cette entrée par les « objets » ou « les questions » est également envisagée en relation avec la motivation des élèves supposée plus forte en prenant pour point de départ des thèmes qui déjà les questionnent et les intéressent.

Conclusion

Nous souhaitons d’abord revenir sur le rôle important des professeurs de SES eux-mêmes, les « ténors » mais aussi, collectivement, en particulier à travers leur association professionnelle, dans les évolutions de la discipline. Aux différents moments-clés, ils ont été présents dans les instances officielles, les forums de discussion, la presse, ou la rue.

Comme cela a pu être vu plus haut, ce rôle est intervenu dans l’élaboration d’une méthode pédagogique particulière, dans la construction d’une démarche didactique en tension entre les deux orientations qui cohabitent au sein de la discipline, mais encore dans l’évolution des programmes d’enseignement. Leur interprétation par les enseignants bien sûr, leur élaboration aussi, tant par leur participation aux groupes chargés de leur construction et leur participation aux débats qui traversent la discipline.

Dans cette conclusion, nous voudrions réfléchir sur deux points : la question de la démocratisation et les pistes possibles pour un enseignement renouvelé de sciences économiques et sociales.

Démocratisation et SES

Les sciences économiques et sociales ont toujours (sauf en seconde depuis les années 80) été associées à une série, B puis E.S. Il est donc bien difficile de distinguer l’une et l’autre, d’autant que la notion même de démocratisation peut faire l’objet d’acceptions diverses. Quatre aspects peuvent être évoqués.

La démocratisation entendue comme « massification » : la série B a attiré ou du moins accueilli des flux supplémentaires d’élèves. Le nombre de bacheliers B est multiplié par trois entre 1970 et 1980, tandis que le nombre total de bacheliers n’augmente que d’un tiers : la série B a été un vecteur essentiel de cette première « démocratisation quantitative » du lycée. Au total, de 1970 à 1990, le nombre de bacheliers généraux augmente d’un peu plus de 100 000, dont environ la moitié au titre des bacheliers B. Après 1985 l’« explosion » du lycée est largement due aux bacs technologiques, puis aux baccalauréats professionnels. Cependant, il est remarquable que le poids relatif des bacheliers B puis ES se maintienne.

La démocratisation comme « égalisation » : la série B/ES a-t-elle contribué à l’ouverture du lycée aux enfants de catégories populaires ? Modestement : les travaux de Bernard Convert (Convert 2003) montrent que, en 1987 comme en 2001, la composition sociale de la série B/ES est proche de celles de la D/S-SVT ou A/L, à égale distance de la S Maths et des séries technologiques.

La démocratisation comme « ouverture culturelle » : Les SES ont-elles contribué à une démocratisation des savoirs scolaires ? En offrant aux jeunes une ouverture sur un ordre de réalité et des manières de la comprendre auxquels ils avaient été peu habitués jusque-là, les SES apportent une double contribution : collectivement, elles offrent à un nombre croissant de jeunes en formation des grilles d’analyse, des concepts pour saisir le monde dans ses dimensions économiques, sociales, politiques. Individuellement, elles fournissent à ceux des jeunes qui veulent s’en saisir des outils pour, tout à la fois, penser leur singularité et les déterminismes sociaux qui les animent.

Par ailleurs, l’ouverture sur les sciences de la société que constituent les SES est aussi une ouverture sur un régime de vérité et d’argumentation particuliers. Ce régime particulier de vérité et d’argumentation, pourvu qu’il ne conduise pas au relativisme intégral ou au refus de théoriser, participe à la formation d’esprits tournés vers le doute, la discussion, la confrontation des points de vue : qualités nécessaires à une démocratie.

La démocratisation comme produit des pratiques pédagogiques : les pratiques pédagogiques revendiquées en SES sont-elles démocratiques ?

Tout d’abord, de quelles méthodes s’agit-il ? Au cours des années 70, quand la discipline nouvelle s’installe dans le système scolaire, un modèle pédagogique est progressivement expérimenté, basé principalement sur le travail sur document. Le cours magistral est vivement critiqué car il ne permet pas une réelle activité intellectuelle de la part des élèves. Les professeurs, encouragés et aidés matériellement par leur inspection de l’époque, élaborent des dossiers documentaires, qui circulent dans la communauté enseignante. Ils se présentent sous la forme d’un recueil de textes, de statistiques, et s’accompagnent le plus souvent de questions guidant le travail des élèves. Ainsi s’affirme une certaine conception de cet enseignement, qui perdure aujourd’hui, dont le recours à une pédagogie active est le ciment.

Le travail sur document devient le support essentiel de cet enseignement ; il est conforté par l’épreuve du baccalauréat qui se présente sous la forme d’une dissertation accompagnée d’un dossier documentaire. Les manuels scolaires s’adaptent à ces pratiques enseignantes et soulagent les professeurs dans leur tâche de confection de dossiers documentaires : citons pour mémoire le manuel Hatier, publié en 1978 sous la direction de J. Brémond qui se compose de plusieurs regroupements de documents permettant de traiter dans leur totalité le programme de seconde. L’activité des élèves est guidée, des documents de sensibilisation et de présentation des faits précèdent des documents plus analytiques. Les auteurs n’interviennent que très brièvement pour présenter le dossier ; il est spécifié sans autres commentaires que l’exploitation de celui-ci sera conduite par le professeur. Préfacé par H. Lanta, alors Inspecteur, ce manuel légitime en quelque sorte cette méthode pédagogique.

L’évolution des programmes au cours des années 80, l’épreuve de la classe ont conduit à une certaine homogénéisation des manuels. Les documents sont plus courts, systématiquement accompagnés de questions précises. Ils sont insérés dans un plan de cours, des synthèses résument les chapitres. Des exercices, des fiches méthodes sur les savoir-faire guident le travail des élèves. Malgré cette évolution qui témoigne d’une « scolarisation » de la discipline, le travail sur document, le recours à l’actualité, les recherches documentaires, l’usage de l’informatique demeurent des références communes aux professeurs de SES.

La mise en œuvre de ces méthodes « actives » n’obéit pas à un objectif de démocratisation, mais à un souci pédagogique général de mise en activité intellectuelle des élèves, qui peut se décliner selon différentes modalités (Chatel, Grosse, Richet 2002) : construire des références communes au sein de la classe, enrichir et structurer l’observation de la réalité économique et sociale, organiser et nourrir l’activité de la classe.

D’autre part, même si la profession continue à s’y référer, par exemple quand elle proteste contre la lourdeur des programmes qui empêcherait le recours aux méthodes actives, on manque d’enquête précise récente et suffisamment documentée pour savoir ce qu’il en est en réalité des méthodes pédagogiques pratiquées en classe de sciences économiques et sociales.

Ces réserves n’interdisent pas de s’interroger sur le statut des pédagogies actives en matière de démocratisation.

La démocratisation est souvent entendue au sens de réussite des élèves de milieux populaires. Les pédagogies actives dont se réclament généralement les professeurs de SES sont-elles plus ou moins favorables à l’apprentissage des élèves les moins familiarisés, par leur socialisation primaire, avec les codes scolaires ? Les travaux de recherche sont plutôt réservés - voire critiques – vis-à-vis de ces pédagogies en terme d’apprentissage pour les élèves les moins bien dotés en capital socio-scolaire. Mais ces recherches ont le plus souvent été conduites au niveau du primaire, ou bien dans des disciplines où le poids du capital culturel et linguistique est plus fort. Concernant les SES, de la seule enquête de terrain, celle de Jérôme Deauvieau (Deauvieau 2007 et 2009), il ressort que quand ces méthodes actives dérivent en « activisme langagier », elles sont sources de malentendus et peu propices à l’apprentissage. Mais portant sur un effectif réduit d’enseignants débutants ces conclusions demanderaient à être confirmées. De la même façon, il faudrait étudier de façon approfondie si les manuels utilisés en SES sont les plus à même d’aider les élèves à l’autonomie.

Par contre, en termes de valeurs, on peut soutenir que ce sont des pédagogies « démocratiques ». La confrontation aux documents (certes choisis, sélectionnés...) est un succédané d’expérience. Le souci de prendre en compte l’expérience sociale pour éventuellement la déconstruire et l’enrichir, la confrontation, le débat : ces dimensions des pédagogies actives semblent plus porteuses de valeurs démocratiques que les pédagogiques « impositives » traditionnelles. Le projet de conduire les élèves à une autonomie en matière d’acquisition de connaissances semble participer de cette « démocratie pédagogique » (sous réserve bien sûr que des pratiques pédagogiques de ce type soient effectivement mises en œuvre dans les classes en SES...).

Quelques propositions pour les sciences économiques et sociales

Il ne nous appartient pas de faire des propositions de programme ou plus largement de transformation de l’enseignement de sciences économiques et sociales, car de telles propositions devraient procéder d’une élaboration démocratique. Par contre, nous pouvons avancer un « discours de la méthode », des principes qu’il nous semble souhaitable de respecter.

Tout d’abord, cet enseignement ayant fait ses preuves, il paraît raisonnable de respecter ce qui existe quand cela marche assez bien. Si des évolutions sont souhaitables, un bouleversement (des objectifs, des orientations, des contenus) ne l’est certainement pas dès lors qu’aucun bilan négatif relatif à ce qui se passe dans les classes ne le justifie.

Ensuite, il faut admettre que la légitimité scientifique – nécessaire – des savoirs à enseigner n’épuise pas la question des choix curriculaires. Entre également en jeu la capacité des enseignants à se les approprier et à rendre ainsi ces contenus enseignables, ce qui peut supposer des élaborations didactiques et des compléments de formation, donc du temps. Par ailleurs sur les questions curriculaires il y a des luttes de groupes aux intérêts parfois divergents. Les contenus enseignés ont une dimension politique, ils traduisent des finalités assignées à l’enseignement. Par exemple, une vision utile de l’enseignement peut s’opposer à une vision plus humaniste.

C’est d’ailleurs du fait de cette dimension politique des contenus qu’en tant qu’analystes nous n’avons pas de légitimité démocratique pour nous exprimer sur l’orientation des contenus à enseigner ; c’est également la raison pour laquelle la procédure d’élaboration des contenus à enseigner a de l’importance.

Troisième « principe » : avant tout changement, il faut prendre le temps d’un bilan véritable. Savoir ce qui s’enseigne en classe (curricula réels) et ce qui marche (contenu et méthodes). Pourtant ces bilans préalables, bien que régulièrement réclamés ne sont jamais effectués. Il faudrait s’interroger à ce sujet : court-termisme de l’action politique, effet d’annonce. Pourquoi les difficultés d’apprentissage des élèves et, corrélativement, les difficultés d’enseignement des professeurs sont-elles systématiquement sous-estimées ? Pour les managers de l’éducation, il semble que des savoirs inscrits dans des programmes sont « nécessairement » enseignés, transmis et assimilés. Comme si le réel se pliait tout aussi nécessairement au prescrit. Notons, pour le déplorer, que l’inspection de sciences économiques et sociales a accepté ces dernières années de se situer dans cette logique au détriment d’un projet à dimension plus éducative dont elle fut autrefois porteuse.

Parce qu’ils sont les premiers acteurs de leur mise en œuvre, les professeurs doivent être étroitement associés au bilan des programmes. Les parents doivent également être consultés et, parce que les programmes d’enseignement sont des choix collectifs sur les savoirs à transmettre, un Conseil supérieur de l’éducation rénové devrait permettre de consulter plus largement les citoyens, la société civile.

Quant aux élèves il faudrait pouvoir tester leur réception des contenus, leur attitude vis-à-vis des méthodes. Il y a là tout un chantier de réflexion à ouvrir sur les façons d’y parvenir.

Les enseignants devraient être beaucoup plus présents dans les groupes chargés de l’élaboration des programmes qu’ils ne l’ont été dans les plus récents « groupes d’experts ». En complément du souci de valeur scientifique, les enseignants « de terrain » sont porteurs d’une expérience pédagogique, d’un souci de faisabilité.

Enfin, il nous semble souhaitable d’envisager des procédures d’expérimentation-ajustement « en continu » des programmes. Il faut mettre en place des procédures de suivi des pratiques en collaboration avec les praticiens, éviter les bouleversements incessants et agressifs à leur égard.

Cela exigerait de faciliter le développement de « professionnels experts », « praticiens réflexifs » qui prennent le temps de théoriser leur pratique et faire partager en retour ces réflexions. Cet aspect qui était porté par les projets de l’INRP dans les années 60-70 est aujourd’hui méconnu par l’institution.

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