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"Lire, écrire et être libre" selon José Morais

lundi 29 août 2016, par Janine Reichstadt

José Morais, Lire, écrire et être libre. De l’alphabétisation à la démocratie, Odile Jacob, 326 pages, 25,90 euros.

Psycholinguiste spécialiste de l’apprentissage de la lecture, José Morais est aussi un homme engagé dans le choix de la démocratie. De son combat contre la dictature fasciste sous Salazar il n’a rien oublié de l’interdit de paroles, de lectures, d’écritures, libres. Son fil rouge aujourd’hui est de montrer à quel point la démocratie n’a d’existence que lorsque le débat est ouvert et approfondi, et donc combien elle suppose des débatteurs ayant les moyens de penser la complexité des sujets débattus. D’où son travail des raisons pour lesquelles la littératie (appropriation et utilisation de l’écrit dans l’exercice de la pensée), se trouve profondément impliquée dans la construction de ces moyens. Là où l’incapacité de bien lire et écrire, et donc d’apprendre à penser touche tant d’enfants et de jeunes, la lecture de ce livre, non réservé à des spécialistes, est incontournable.

Dans une première partie José Morais nous introduit de façon claire aux fondamentaux de la parole, de la lecture et de l’écriture. Il explique ce que sont le langage parlé et écrit, les phonèmes, les graphèmes, le principe alphabétique, le code orthographique, l’alphabétisation. Il s’attaque aux discours qui cherchent dans les gènes l’explication des inégales capacités cognitives. Et bien sûr il réserve toute son attention à ce qu’il est nécessaire de respecter pour que la maîtrise de l’écrit soit pleinement assurée, à savoir l’apprentissage systématique des correspondances grapho-phonémiques, qui seul permet d’acquérir un savoir lire efficace, tout apprentissage global des mots ne pouvant qu’être banni. Il interroge la liberté pédagogique et la responsabilité des gouvernements dans les échecs.

Dans une seconde partie plus historique, politique, philosophique, José Morais examine la nature profondément anti-démocratique de nombreuses organisations socio-économiques et politiques dans l’histoire, ainsi que celle du capitalisme qui aujourd’hui concentre des pouvoirs considérables destinés à ne satisfaire que ses intérêts sans le moindre égard aux travailleurs, aux peuples, à la préservation de la nature.Un réel processus de démocratisation s’émancipant de ces pouvoirs passe par la littératie pour tous, synonyme de pensée libre, critique, d’un haut niveau d’exigence intellectuelle dans tous les domaines de la connaissance, de la réflexion philosophique et sociopolitique. L’importance décisive de la formation de lisants et d’écrivants en pleine maîtrise de l’écrit, à même de s’approprier cette littératie exigeante et garante à son tour de l’exercice quotidien de la démocratie une fois celle-ci conquise, devient sous la plume de José Morais, un enjeu majeur de la lutte des classes.