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"Culture commune" : deux ouvrages de la FSU
vendredi 3 avril 2009, par
Avant d’aborder le contenu des deux ouvrages, il est utile de revenir sur les contextes internes et externes de leurs écritures.
Pour une culture commune est une thématique dont la validité et l’opportunité sont encore discutées au sein de la FSU au moment où le chantier s’engage. L’ouvrage est publié en 2000 sous la direction d’Hélène Romian, chercheur à l’INRP, principal auteur du plan de rénovation de l’enseignement du Français (plan « Rouchette »). L’équipe de conception de l’ouvrage est composée de Gilles Baillat (Historien IUFM de Reims, INRP, membre du SNPDEN), de François Bouillon (Philosophe ;Iufm de Paris, SNPDEN), de Colette Dalle ( Technologue IUFM de Versailles, SNPDEN, de Dominique Gianoti (Philosophe,Snes), de Philippe Mazereau, Niurka Règle (maîtres du premier degré, SNUIPP).
La FSU est devenue première fédération syndicale de l’enseignement, de la recherche, de la fonction publique de l’Etat, après l’explosion de la Fen. C’est une fédération de syndicats nationaux qui reconnait à ses composantes, contrairement aux statuts et aux pratiques de l’ancienne FEN, une large autonomie de conception et de décision dans le champ qui est le leur.
Ce que certains dénomment, la « démocratisation ségrégative », s’est essoufflée dès 1995 et le débat est vif au sein de la FSU, dans le syndicalisme, dans le monde associatif éducatif, dans la sphère politique sur l’état de l’Ecole française, la nature de ses dysfonctionnements, les responsabilités qui sont en jeu. Les clivages historiques entre le 1er degré, le secondaire, lui-même divisé entre le second cycle secondaire et le technique, l’enseignement supérieur demeurent au sein de la FSU
Le collège est idéologiquement institué « cœur » de l’échec scolaire ; le second degré et ses enseignants sont montrés du doigt (à l’interne et à l’externe). La problématique de la « culture commune »est une tentative de réponse à l’éternelle question de la démocratisation. (En 1994, le premier congrès de la FSU avait pour thème :« pour une nouvelle étape de la démocratisation »). La Fédération tente donc en 2000 d’occuper le terrain politique et idéologique. Le travail qu’elle engage avec cet ouvrage mobilise principalement son Institut et n’engage véritablement aucun des grands syndicats "Unité et Action" (tendance majoritaire de la fédération), aucune des grandes plumes de ces gros bataillons n’est partie prenante du travail qui repose en fait sur l’ancien SNPDEN intégré depuis au SNESup mais avec une forte identité. Nous sommes sous le coup de la loi Jospin et de « l’enfant au centre ». Dans le cadre des orientations du CNP (charte des programmes) , les débats sont vifs au CSE sur la question des programmes. Le SNEP occupe une position très fédérale dans le processus de production de l’ouvrage. Il est très impliqué dans les rédactions, c’est l’occasion pour lui de mener une bataille contre l’Inspection Générale EPS sur la question des programmes. (La lecture de l’ouvrage est éclairante à ce sujet).
Au-delà de ceux déjà cités, on doit attirer l’attention sur le statut et l’identité des rédacteurs. Nombreux sont chercheurs : J-P Astolfi, F.Best, le groupe Escol, S. Johsua, B.Lahire, C.Lelièvre, G.Levesque, C. Merlaud, B. Rey, F. Ropé, C. Roux, D.Schnapper, J. Sultan, M. Tozi, G. Vergnaud, P.Vérillon auxquels s’ajoutent, D. Czalczinski (EE Snuipp), C.Couturier (Snep), A. Davisse (« Snep », P.Goirand (centre eps et société Snep), D. Paget (Snes), J. Rouyer (Snep centre eps et société). L’ouvrage sort dans l’indifférence des syndicats de la FSU. Aucun effort ne sera fait pour assurer sa diffusion, il ne devient pas un outil pour la bataille sur l’Ecole.
Aventure commune et savoirs partagés est publié en 2006 sous la direction de Denis Paget ; ancien secrétaire général adjoint du Snes, en charge depuis plusieurs années, des questions éducatives dans ce syndicat. Il a été au cœur de tous les grands conflits « scolaires » des années 90-2000.
Fruit de la réflexion et du travail du secteur éducation de la FSU et du collectif de l’Institut, il entraine une participation relatives des syndicats nationaux, leur engagement concret demeure mesuré. Denis Paget est le principal rédacteur. C’est un ouvrage de professionnels syndicalistes de l’éducation. Sa ligne directrice demeure celle de la « démocratisation scolaire ». L’ouvrage se veut une réponse à la philosophie du « socle commun », aux conclusions de la commission Thélot, reprises dans la loi Fillon (qui ont reçu un large soutien du monde syndical, à l’exception de la FSU, mais après un débat interne très vif, du monde éducatif associatif). Le livre se veut un instrument de lutte politique. Il bénéficiera d’une diffusion un peu plus conséquente que le précédent et donnera lieu à quelques initiatives publiques pour la plupart animées par la FSU, rarement par ses syndicats nationaux.
Pour une culture commune
En 2000, le constat est déjà fait par H. Romian que l’école et le collège unique : « n’ont répondu que très relativement » à l’inversion des tendances sociales lourdes qui pèsent sur l’Ecole et que celle-ci à des responsabilités propres dans l’échec scolaire ». La question de la culture commune « reste une perspective pour tous les jeunes », une « utopie », « voire un leurre selon certains ». A cette époque, la notion même de culture est interrogée dans la FSU, sa validité scolaire aussi.
Dans la première partie, la nature de la démocratisation possible ou impossible est l’objet de discussions. H. Romian s’interroge : « peut-on dépasser la tendance d’un système scolaire voulu unifiant à une différenciation qui reproduit la division sociale du travail ? » Suit une série de questionnements allant de la mixité, à la différenciation du secteur dit normal par rapport à celui de l’adaptation scolaire ou de la difficulté scolaire, à la contradiction entre la culture orale des élèves et la culture scripturale des profs, au choc des valeurs humanistes de l’Ecole avec les valeurs dominantes de la société contemporaine, à « l’élève au centre » à encore la pédagogie de l’instantanéité, à la valeur intrinsèque de l’héritage classique, à une interrogation sur la valeur d’un universel abstrait de la nature humaine, aussi à la question des techniques sans épaisseur culturelle…
Qu’impliqueraient des objectifs exigeants pour tous ? « Quels objets de travail nouveau pour articuler le « monde de l’École » et « l’École du monde » et construire une culture réflexive et critique », ajoute-t elle. Sont ensuite interrogés les fonctionnements institutionnels de l’École, la polyvalence des maîtres du 1er degré, les principes régissant le choix des savoirs et des pratiques professionnelles, le rôle et la fonction des « modes de pensée » d’hier ou des actuelles compétences transversales. C. Lelièvre ("Repères historiques et institutionnels de la notion de culture commune"), D. Schnapper ("Citoyenneté,culture commune et rôle de l’École"), F. Bouillon et G. Levesque ("Valeurs et culture commune"), F. Ropé ("De quelques obstacles à une culture commune au collège"), A. Davisse (« Sport pour les filles, lecture pour les garçons, chiche !"), É. Bautier, B. Charlot, J-Y. Rochex ("Zones difficiles : le pari de l’exigence"), P. Mazereau ("L’enseignement spécialisé et la culture commune, contradictions d’hier et d’aujourd’hui"), D. Czalczinski ("En quoi la perspective d’une culture commune interroge-t-elle la polyvalence des maîtres ?"), S. Johsua ("« La » ou « Une » culture commune, le commun de la culture"), P. Goirand ("Culture commune et pratique de référence en EPS"), D Paget ("Développer la dimension réflexive des savoirs au collège et au lycée"), C. Merlaud ("Sciences et technique au collège : un pôle"), B. Rey ("Que leur restera t-il quand ils auront tout oublié ?"), C. Couturier ("Une culture commune en EPS peut-elle se fonder sur des compétences transversales ?") sont convoqués pour écrire la première partie. Cette très large participation d’auteurs issus de la gauche universitaire et professionnelle « éducative » cache mal les différentes conceptions de l’École qui les animent. C’est le paradoxe de l’ouvrage, entre doctrine et pluralisme, la FSU tâtonne et finit par peut-être se perdre. Le symbole le plus caractéristique de cette difficulté étant la participation de C. Lelièvre, ancien militant du SNES, qu’on retrouvera ultérieurement au côté de Claude Thélot comme ardent propagandiste du « socle commun ». Ces contradictions mériteraient une étude approfondie sérieuse et sont sans doute révélatrices des tensions qui traversent encore aujourd’hui le camp de l’École « progressiste »
La seconde partie de l’ouvrage s’interroge sur la nature de la culture commune pour tous : disciplinaire ? interdisciplinaire ? transdisciplinaire ? Le débat sur les disciplines est posé. Il divise au sein de la FSU, le premier degré et le second degré, le second degré classique et technologique, le second cycle du secondaire et le professionnel, le second degré et le supérieur, parfois même au sein de chaque syndicat. Le problème du sens des savoirs est présent. C’est un peu un parcours « anthropo- épistémologique » dans la culture commune qui nous est proposé. L’ouvrage tente un dépassement des fortes contradictions internes repérables en proposant l’articulation d’une culture praxéologique, d’une culture scientifique, d’une culture réflexive et critique, « en somme trois clés possibles pour une culture partagée » indique H. Romian, « entrer dans une activité de production de connaissances, y travailler le geste, le débat, la problématisation, l’observation, la conceptualisation, pour construire progressivement des savoirs toujours révisables. »
Prennent la parole, J. Rouyer ("Quelle culture physique , sportive et artistique commune"), H. Romian ("Aspects d’une culture langagière commune, « culture langagière » qu’est-ce que ça change ?"), C. Dalle ("Pour une culture technique commune"), P. Vérillon ("Les enjeux culturels de la technologie"), C. Roux ("Une culture commune en arts plastiques"), J. Sultan ("Quelle culture de l’image et des arts visuels pour tous aujourd’hui"), G. Vergnaud ("Mathématiques : quel sens donner à l’idée de culture commune ?"), P. Astolfi ("L’enseignement scientifique, composante d’un culture pour tous"), D. Gianoti ("Quelle culture scientifique pour les non scientifiques ?" ), G. Baillat ("Histoire et culture commune"), B. Lahire ("Vers une utopie réaliste, enseigner les sciences du monde social dès l’école primaire"), M. Tozi ("Penser par soi-même : une démarche intellectuelle à enseigner à tous et appropriable par chacun"), F. Best ("L’éducation à la citoyenneté, à l’École et par l’École"). Une remarque et deux interrogations s’imposent ici. La remarque porte sur la difficulté d’inscrire effectivement le travail collectif réalisé dans les rubriques de l’ouvrage, définies à priori (ou à postériori ?). La première question porte sur la volonté affichée de dépasser, comme le souhaitait initialement H. Romian, les contradictions inhérentes à la définition des contenus de la culture commune. L’objectif est-il atteint ? La seconde porte sur la cohérence de l’ouvrage. Nous ne développons pas.
La troisième partie exprime une sorte de vertige à l’approche de la conclusion de l’ouvrage. Son intitulé parle de lui-même :« Des problèmes complexes ». C’est Hélène Romian qui rédige la totalité du texte.
Elle revient sur l’objet même de la réflexion, la « culture commune » et continue de s’interroger sur "quelle(s) culture(s)", avance une perspective, un dépassement des contradictions qui demeurent, « pour une culture des cultures », s’engage sur l’idée non majoritaire dans la fédération de « culture scolaire », dessine les contours d’un projet politique pour une culture scolaire commune et donne des repères pour une culture scolaire de haut niveau. Elle conclue en livrant au débat ses propres réflexions pour : « Transformer l’Ecole et la culture scolaire », et invite à se poser des questions inductrices de choix possibles. De façon très subjective, on peut retenir une phrase de cette conclusion solitaire : « L’École a la responsabilité de renforcer sa fonction culturelle. Ni centre de loisirs, ni simple lieu de socialisation. Non pas moins de savoirs, mais des savoirs plus exigeants, à la fois plus profondément conceptualisés (c’est à dire plus disciplinaires) et mis en relation. ». Dans cette troisième et dernière partie « homogène », les auteurs cités sont Bruner, Forquin, De Certeau, Harouel, Sallenave, Morin, Meyerson, Cuche, Mead, Bourdieu, Lévi-Strauss, Chartier, Passeron, Donnat, Arendt, Genette, Camilleri, Giard, Clot, Lahire, Poignant, Dubet, Schnapper, Léna, Quéau, Chevallard, Martinand, Charlot, Isambert-Jamati, Legrand, Terrail, Boutan et Sorel, Paget, Joshua, Couturier, Rouyer, Rosenthal et jacobson, , Barbier, Lojkine, Rey, Lesne, Joutard et Thélot, le rapport Bourdieu-Gros.
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Aventure commune et savoirs partagés
La FSU décide donc en 2004 par l’intermédiaire de son institut de produire un ouvrage de combat pour s’opposer à la loi Fillon et son cheval de Troie : le socle commun, encensé par la quasi-totalité du monde éducatif, version « culturelle » (Cf. F. Fillon au Sénat) du socle des « compétences clés européennes », dont le principe a été arrêté à Lisbonne en 2000 dans le cadre du processus de convergences européennes, et permet de contourner le traité de Maastricht.
Nous ne revenons pas sur le changement de méthode. D. Paget qui vient de quitter la direction générale du SNES est la cheville ouvrière du travail. Il sera, en dehors des débats parfois difficiles à l’intérieur du groupe de rédaction, sous la pression externe permanente de la direction pédagogique du SNES. Il demeure que l’ouvrage est d’abord le résultat de l’implication de Paget et que ses idées personnelles pèsent lourd dans la rédaction. Peu de participants au groupe ont produit des amendements aux propositions de Paget,
Dans un long « avant propos » l’ouvrage évoquant Condorcet, rappelle la fonction émancipatrice de l’École, revient sur le contexte politique dans lequel il prend place. Il rappelle un certain nombre de données objectives qui caractérisent la situation de l’École française, évoque L’enquête "Pisa" et ses problèmes.
Le premier chapitre évoque une culture scolaire « en crise », reprenant à son compte l’idée de culture scolaire encore contestée au sein de la FSU. Il aborde aussi les tensions et les contradictions sociales culturelles mais aussi les formidables opportunités dans lesquelles se débat l’École. Il se conclut sur une citation de J-Y. Rochex, « donner aux pauvres une culture de pauvres », que tout le monde a bien en tête
Le second se pose la question de la nécessité de l’éducation, des genres d’éducation qui cohabitent, du rôle des familles, des groupes sociaux, ethniques, des lieux de culture, des clubs, des associations, des médias dans les processus éducatifs. Dans la partie intitulée : « Qu’est-ce que l’École apporte que n’apportent pas les autres lieux d’éducation », le rédacteur cite H. Arendt(Crise de la culture), et évoque la fonction patrimoniale de l’École. Il s’interroge ensuite sur le formatage scolaire, décrit une école coincée entre « distinction », « exclusion » et « démocratisation », et critique une certaine forme d’universalisme auto proclamé. IL cite J-C. Forquin (École et culture).
Le troisième se repose la question de la culture, déjà présente dans le précédent ouvrage. C’est une sorte d’enquête ou de quête d’une définition de la culture qui pourrait satisfaire les exigences de l’École, visant plus d’humanité chez chacun, faisant place à notre vulnérabilité, à notre fragilité, posant le problème des valeurs « incorporées ». Il aborde le sujet de la nature et de la qualité de l’homme, de la femme cultivés. L’histoire de l’éducation y est rapidement revisitée, des filiations y sont évoquées. Suit une série de « morceaux choisis » sur le thème (Erasme, Rabelais, Montaigne, More, Coménius, Rousseau, Ferry ("Discours aux directeurs d’écoles normales"), Jaurès, Donnat.
Le quatrième s’interroge sur la place des savoirs dans la société contemporaine, évoquant encore Condorcet. Il aborde la question de la mobilisation des connaissances dans la vie. Ce que Pena-Ruiz appelle : « une lucidité à construire, une sagesse pratique et théorique » ; s’interroge sur les savoirs utiles aux professions, pose la question du travail comme acte constituant, citant Clot et Bruner, chute sur la problématique dominante des « compétences » et son impact idéologique ( bien que ce mot ne soit pas évoqué), sur ce « technicisme qui se prévaut de la rationalité ». Il aborde l’européanisation et la logique de mondialisation de l’éducation en prenant comme exemple l’apprentissage des langues, revient sur les dispositifs de comparaison internationales. Ce chapitre renvoie à l’ouvrage de J-P. Legoff (La barbarie douce)
le cinquième entre directement dans les turbulences du milieu éducatif, en pointant les conceptions du savoir qu’y s’y affrontent, les rapports de force qui s’y expriment. La polémique avec la commission Thélot et C Lelièvre est évoquée, les positionnements binaires imposés, « viatique ou propédeutique » (Perrenoud), sont évoqués, leurs dépassement, savoirs critiques, savoirs problématiques est posé. Il attaque le poncif du « simple au compliqué », incite à une véritable épistémologie des savoirs scolaires, repositionne la part de l’expérimental dans l’enseignement, prône la prise en compte des représentations des élèves, s’attarde sur les savoirs transversaux, « qu’on pourrait apprendre en dehors des disciplines ». Il s’interroge encore sur des méthodes pour apprendre qui pourraient s’apprendre sans apprendre quelque chose
Le sixième revient sur la critique de l’état actuel de la culture scolaire. Est- elle capable d’éduquer ? Il affirme la spécificité de la construction scolaire du savoir, sa capacité à produire de l’intégration à condition d’ouvrir largement le débat sur ses contenus, son organisation, sa progressivité. Il engage une réflexion sur l’ouverture aux autres cultures, sur la place minorée des savoirs d’action, sur le rôle de l’histoire (à la suite d’une discussion très animée), la hiérarchie établie des savoirs, sur l’entrée dans la culture écrite, sur ses normes et ses variations, sur les fausses évidences du savoir lire ou écrire et ses divers errements (niveaux en baisse, comparaison), et s’achève sur la question de la dimension historique et épistémologique des savoirs
Le septième chapitre : « Qui doit décider ? », s’interroge sur les processus et dispositifs conduisant à l’élaboration et au choix toujours social des programmes. Il rappelle les rapports du Collège de France, 1985, Bourdieu Gros 1988, évoque la mission E. Morin et sa volonté de rapprocher les sciences et les humanités et rappelle que dans sa suite le CNP engage « une réforme de la « pensée plus que des contenus d’enseignement ». Il cite le rapport Boissinot sur le sujet. La proposition de l’ouvrage est un vaste dispositif démocratique en capacité de fonder politiquement les contenus et dans lequel les enseignants ont leur place.
Le huitième chapitre s’intitule : « Vers une nouvelle conception de la culture commune » et marque une volonté de ne pas opposer le statu quo au « socle commun ». Il dessine les contours d’une conception des contenus qui articulerait, sans contraindre et dénaturer, les grandes questions de l’humanité contemporaine, les capacités individuelles nécessaires qui en découlent, et les corpus disciplinaires révisés mais maintenus. Il pose la question de la fonction de la culture commune, rappelant le mandat fédéral de scolarité obligatoire portée à 18 ans, et propose de « l’organiser » selon quatre visées générales :
Se former pour soi : éprouver son potentiel
Se former pour s’ouvrir aux autres : acquérir le sens du relatif et de l’altérité.
Se former pour s’ouvrir au monde : acquérir le sens de l’universel.
Se former pour développer son activité critique : acquérir le sens du réflexif.
La conclusion ramasse l’essentiel des critiques et propositions exprimées, évoque au final les conditions matérielles et financières nécessaires aux ruptures qu’évoque l’ouvrage.
Incontestablement on trouve dans ce livre une façon générale de penser l’École, une vision politique globale, une alternative, un certain niveau de cohérence. Les propositions disciplinaires complémentaires sont souvent plaquées sur le fil rouge de l’ouvrage et mériteraient d’être interrogées au regard de l’ouvrage lui-même. Sa faiblesse tient peut-être à ses vertus, très général, trop général, trop loin peut-être des processus sociaux à l’œuvre dans le quotidien scolaire, des savoirs en jeu, des enjeux concrets de savoir et des problèmes spécifiques qui leur sont liés.