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Savoirs académiques et culture enseignante. Un cas d’école : la guerre des méthodes de lecture

mercredi 7 juillet 2021, par Jérôme Deauvieau et Jean-Pierre Terrail

Toute politique scolaire doit s’affronter à trois questions : celle du public et des parcours d’études (à qui enseigner ?) ; celle des contenus (qu’enseigner ?) ; et celle des pratiques pédagogiques (comment enseigner ?). Il existe, depuis le début du 20ème siècle, deux façons de s’intéresser à ces trois champs.

Experts et chercheurs

La première de ces façons est aussi ancienne que l’institution scolaire elle-même. Elle se déploie sur le registre du normatif et du prescriptif, et propose des réponses qui procèdent selon les cas des impératifs du pouvoir d’État ou de l’économie, d’une visée éthico-politique concernant le type de sujet ou de citoyen que l’on souhaite former, de la représentation que l’on se fait des besoins et des capacités de l’enfance, etc.

La seconde cherche moins à apporter des réponses qu’à décrire et comprendre. Son émergence historique est marquée en France par les recherches d’Émile Durkheim, qui accède en 1906 à la chaire de Science de l’éducation à la Sorbonne, où il prend la suite de Ferdinand Buisson. L’opposition entre les deux hommes est emblématique. Ancien directeur de l’enseignement primaire, Buisson a dirigé le fameux Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (1887). Largement porté par la politique des grandes lois laïques républicaines des années 1880, rédigé en partie par les réformateurs de la décennie, l’ouvrage entend promouvoir l’esprit pédagogique qu’il convient de mettre désormais en œuvre. Bien différente est la posture de son successeur. Durkheim va aborder les problèmes pédagogiques en historien et sociologue [1]. Il entreprend de donner à comprendre ce qui est plutôt que de décréter ce qui doit être. S’il y a des enseignements pour l’action à tirer des constats opérés, ils procèdent toujours de l’analyse des faits.

" Mais, surtout, il faut voir quel était le dessein de Durkheim. Quand il avait accepté de faire ce cours, il avait bien spécifié qu’il ne traiterait pas des problèmes pédagogiques de façon doctrinale, en psychologue ou en moraliste. Il montrerait plutôt comment ils se sont posés dans les faits, sous la pression des circonstances et du milieu social, quelles solutions ont prévalu, quelles en ont été les conséquences, et quels enseignements nous devons en tirer. Il a cherché dans le passé les leçons dont devait profiter le présent. C’est ainsi que l’histoire a été pour lui matière à réflexion sur un certain nombre de grandes expériences pédagogiques, dont elle nous présente le cadre et les grandes lignes " [2].

Ce clivage entre deux postures intellectuelles a valeur inaugurale. Il affecte encore aujourd’hui le monde des spécialistes de la question scolaire, opposant tendanciellement les chercheurs d’un côté, et de l’autre les protagonistes de la « noosphère pédagogique » – à savoir le monde des experts investis dans la formation des enseignants, leur encadrement pédagogique et hiérarchique, la mise en œuvre des politiques ministérielles, les mouvements pédagogiques, etc. Il se manifeste au sein même des instances académiques, présidant à la division universitaire entre les départements de sciences humaines, sociales, cognitives d’un côté, et des sciences de l’éducation de l’autre. Il s’agit certes d’une opposition tendancielle, certains experts étant attentifs aux apports de la recherche, voire entreprenant eux-mêmes de contribuer à leur production, et à l’inverse certains chercheurs s’autorisant des constats de recherche pour intervenir dans le champ des préconisations de politique scolaire. Pour autant c’est une opposition qui reste particulièrement éclairante à différents égards, comme le montre le cas d’école que nous allons maintenant examiner.

La guerre de la lecture

Nous nous étions intéressés en 2016 aux enquêtes statistiques internationales concernant l’efficacité des pratiques d’enseignement de la lecture. Leur examen comparatif nous amenait à conclure à la clôture du cycle historique ouvert en France dans les années 1970 par la montée en puissance de la méthode « idéovisuelle » [3]. En une vingtaine d’années, au nom du principe selon lequel « Lire, c’est comprendre », des formes d’enseignement plus ou moins étroitement inspirées de la méthode globale avaient alors dévalué la pratique du déchiffrage alphabétique et chassé la syllabique du paysage. Celle-ci, qui dominait l’apprentissage de la lecture depuis le 16ème siècle dans les pays disposant d’un système d’écriture alphabétique, devenait bientôt le symbole de la réaction politique et pédagogique, le témoin tangible d’une pédagogie du rabâchage mécanique confinant à la maltraitance infantile. Deux évolutions notables, cependant, ont depuis lors progressivement modifié la donne.

L’évolution des pratiques

La première a été imposée par l’expérience pratique. La difficulté manifeste d’enseigner la lecture dès lors que l’on bannit l’étude des correspondances entre les lettres et les sons, ce que recommandait la méthode idéovisuelle, a rendu inévitable le maintien au moins partiel, ou selon les cas la réintroduction, de l’apprentissage du code grapho-phonologique. Si bien que la nécessité de cet apprentissage fait désormais assez largement consensus... sans pour autant que l’on puisse parler d’un retour à la syllabique.

D’une part en effet parce que persiste massivement aujourd’hui l’appel à la reconnaissance visuelle de mots entiers, typique de la méthode globale, s’agissant de ce qu’on appelle les « mots-outils », dont la reconnaissance par les élèves permet de leur donner rapidement à « lire » des phrases complètes. D’autre part parce que l’étude du code actuellement en usage ne relève pas de l’approche « graphémique » propre à la syllabique (laquelle part de l’examen des signes écrits, les graphèmes, et enseigne la façon de les prononcer), mais d’une approche « phonémique », qui procède par « leçons de sons » (on apprend à reconnaître les sons de la langue – les phonèmes – et on étudie la façon dont ils s’écrivent). Dans chacun de ces deux cas l’apprenti-lecteur est confronté à du texte écrit qu’il ne peut pas déchiffrer : dans le premier cas parce qu’il doit reconnaître les mots-outils visuellement, saisis dans leur globalité, sans passer par l’identification des lettres et des syllabes qui les composent ; et dans le second cas parce qu’il n’est en mesure de déchiffrer qu’une partie des mots qu’il voit écrits. Il peut identifier les graphèmes qui transcrivent les « sons » qu’il a appris, mais il doit deviner le reste du mot.

Or le principe essentiel de la méthode syllabique consiste à organiser une étude progressive et systématique des graphèmes constituant le système d’écriture, en sorte de ne jamais confronter l’enfant qu’à des textes 100% déchiffrables, en bannissant ainsi tout recours à la lecture devinette. Les enquêtes récentes montrent qu’aujourd’hui 5% seulement des maîtres utilisent des manuels qui mettent ce principe en œuvre. Les autres manuels se réclament parfois (abusivement) de la syllabique, mais tous proposent une approche « mixte » combinant (dans des proportions diverses) l’étude des correspondances lettres/sons et des pratiques héritées de la méthode globale.

L’émergence d’un consensus des chercheurs

La seconde évolution qui a marqué le dernier demi-siècle ne concerne pas l’enseignement de la lecture, mais les recherches académiques menées à son sujet. L’irruption des thèses idéovisuelles dans les années 1970, balisée par les ouvrages de Charmeux et Foucambert et la création de l’Association française pour la lecture [4], a emporté beaucoup sur son passage. Leur pertinence pédagogique est crédibilisée par la thématique du Lire c’est comprendre, elle-même portée par les instructions officielles de ministère. Ce mot d’ordre va rapidement devenir hégémonique dans le monde des spécialistes de la lecture, ralliant l’essentiel des mouvements pédagogiques (l’ICEM de Freinet et le GFEN de Langevin-Wallon, déjà sensibilisés aux thèses de la globale, aux côtés de l’AFL). Il faudra attendre les années 1990 pour que de premières interrogations commencent timidement à émerger, notamment avec les recherches de psychologie cognitive de L. Sprenger-Charolles [5], la publication de l’ouvrage de José Morais [6], et l’article significatif de R. Goigoux, pourtant militant actif de l’AFL, reconnaissant sur la base d’une enquête empirique, le fait mérite d’être souligné, que les apprentissages de la lecture qui font une place à l’étude des correspondances graphophonologiques s’avèrent plus efficaces que celles qui pensent pouvoir en faire l’économie [7].

C’est dans la décennie suivante que le panorama change sérieusement, en raison de l’essor des travaux académiques. La publication de la méta recherche du National Reading Panel (USA, 1999), celle d’un suivi d’élèves en Écosse (2005) eurent quelque écho en France, où furent réalisées plusieurs enquêtes propres dans les années 2010 [8]. Toutes ces investigations s’attachaient à mesurer l’efficacité pratique, étalonnée par les performances des élèves, des différentes façons d’enseigner la lecture. La convergence générale de leurs résultats est manifeste, mettant en évidence la pertinence des principes de la méthode syllabique si massivement rejetée dans le système éducatif. Pertinence que viennent par ailleurs confirmer, fait nouveau, les constats établis de son côté par les travaux de neurosciences cognitives s’appuyant sur l’imagerie cérébrale (Dehaene, 2007) [9].

Nous notions en 2016 au terme de l’examen comparatif de ces enquêtes : « Nous disposons désormais d’un ensemble de données très sûres concernant les formes les plus efficientes de conduite des apprentissages du lire-écrire (...) La Conférence de consensus sur la lecture de mars 2016 ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Ses préconisations s’avèrent très conformes aux enseignements convergents des enquêtes que nous venons d’examiner. Un cycle d’un demi-siècle apparaît ainsi en passe de se clore [10]. »

Appréciation trop optimiste ? Cinq ans plus tard, en tout cas, la parenthèse ouverte dans les années 1970 semble encore loin d’être refermée. Le large consensus qui se dégage des enquêtes de terrain n’a pas sensiblement élargi le recours à la syllabique dans les établissements scolaires ; et la guerre de la lecture, qui affronte particulièrement les syndicats enseignants au ministre Blanquer, apparaît plus vive et plus politisée que jamais. Ce décalage entre les connaissances scientifiques accumulées par la recherche académique, et une culture professionnelle enseignante qui leur paraît largement imperméable, a un côté énigmatique qui mérite l’attention. Il n’est toutefois pas sans intérêt, avant de l’interroger plus précisément, de noter que le phénomène n’est pas spécifique à la France.

Savoirs académiques et pratiques enseignantes dans les pays anglo-saxons

Recherche et guerre de la lecture aux États-Unis

Aux USA, le débat se noue au cœur des années 1960. Question centrale, selon Jeanne Chall : l’apprentissage doit-il cibler le sens ou le code ? Pour elle, l’accent précoce sur le code conduit plus efficacement à la compréhension (Learning to Read : The Great Debate, New York, 1967). Face à elle, un Kenneth Goodman conçoit l’apprentissage à partir des habitudes des bons lecteurs. Il soutient que la lecture est une devinette psycholinguistique, utilisant le contexte et l’arrière-plan pour identifier les mots inconnus, et s’appuie donc prioritairement sur le sens [11]. Cette façon de voir va rapidement bénéficier d’une grande audience, comme en France, et remettre en cause, selon les observateurs, la pratique scolaire des exercices phonétiques, l’usage des listes de mots et toutes les formes d’apprentissage prenant les mots hors de leur contexte. Elle aura aussi pour effet l’intensification du débat et des recherches, en impulsant l’intérêt pour les modalités d’une lecture habile et fluente, qu’il s’agisse d’observer les mouvements des yeux pendant la lecture ou de comprendre la façon dont le contexte peut favoriser ou handicaper la reconnaissance des mots. La multiplication et la diversification des investigations furent telles qu’à la fin des années 1990 le corpus des recherches fondamentales disponibles parut suffisamment fourni pour qu’on puisse en dégager les éléments d’un consensus scientifique. Le National Reading Council publie en ce sens, en 1998, un rapport qui relève la convergence des apports des différentes approches disciplinaires, et l’estime suffisante pour autoriser des conclusions empiriquement fondées. Il en conclut au caractère décisif des tout premiers apprentissages de la lecture, et invite les enseignants à « conjuguer l’attention à porter au principe alphabétique et l’attention à porter à la construction du sens » : soulignant si l’on préfère la non pertinence de l’opposition code vs sens qui a focalisé les passions à partir des années 1960, la recherche ayant montré que la conduite des apprentissages devait amener au sens à partir du texte déchiffré. Reprenant précisément l’ensemble des recherches réalisées, le National Reading Panel Report publié en 2000 conclut que les enfants ont besoin de mobiliser les relations lettres/sons pour décoder de nouveaux mots, de développer leur fluence grâce à la lecture orale guidée, et d’user de multiples stratégies pour améliorer leur compréhension.

S’interrogeant sur le bilan des quatre décennies précédentes, James S. Kim note en 2008 que les chercheurs ont soulevé de nouvelles questions, reformulé les problèmes, conçu de nouvelles définitions. Il ajoute : « « Pratiquement à chaque étape les synthèses concernant la lecture ont rejeté le dualisme simpliste entre déchiffrage et compréhension, et encouragé un enseignement aidant les élèves à maîtriser le principe alphabétique et à accéder au sens par le texte ». Pour autant il doit reconnaître que le problème n’est en rien résolu dans la pratique, et que la guerre de la lecture reste bien vivace au 21ème siècle [12].

Du côté de la Grande-Bretagne et de l’Australie

Dix ans plus tard, en 2018, la situation inspire encore des observations analogues à trois universitaires, mais concernant cette fois-ci la Grande-Bretagne et l’Australie. Ces chercheurs rappellent qu’en 2016, selon l’OCDE, les pays développés comptaient près de 20% de jeunes de 15 ans n’atteignant pas un niveau de lecture permettant une participation efficace à la vie sociale contemporaine... tandis que persiste un rude affrontement entre l’apprentissage « phonétique », par enseignement explicite des sons que font les lettres, et l’approche « whole-language », qui met l’accent sur la découverte du sens grâce à un environnement richement littéracié [13].

Or, soulignent-ils, la recherche académique menée sur plusieurs décennies a apporté des réponses convergentes aux principales questions que pose l’apprentissage de la lecture, comme le montrent non seulement la méta-étude publiée en 2000 aux USA, mais aussi celles qui ont été réalisées ultérieurement en Grande-Bretagne (2005) et en Australie (2005 également). La qualité et l’étendue des preuves scientifiques rendent à leur sens obsolète la guerre de la lecture. Pourtant leurs effets sur les politiques publiques s’avèrent modestes. L’écart qui subsiste entre l’état des connaissances académiques et la compréhension qu’en ont le public et les maîtres reste considérable, au point que même en cas de forte intervention publique en faveur des premières, on constate que leur mise en œuvre au plan local est obérée par les partis pris contraires. La question se pose donc de savoir comment surmonter, enfin, les résistances au recours à des méthodes fondées sur des démonstrations scientifiques.

Comment en finir avec la guerre de la lecture ?

Des propositions raisonnables en manque d’efficacité

Aux États-Unis, J. Kim envisage deux lignes d’action propres à apaiser les tensions en favorisant la construction d’un consensus. A l’égard d’une part des experts qui préfèrent ignorer les résultats des enquêtes empiriques, les contestent ou discutent leur interprétation, il suggère l’organisation d’une « collaboration antagoniste » par laquelle les adversaires (chercheurs et experts) s’accorderaient au départ sur les termes des recherches à entreprendre. A l’égard d’autre part des enseignants, il relève qu’ils ont été notablement absents des procédures de recherche, et ont régulièrement dénoncé les menaces que les injonctions issues du monde politique ou du monde académique font peser sur leur autonomie professionnelle. Les associer aux universitaires au sein de commissions mixtes de recherche serait de nature à réduire les oppositions. Ainsi au Royaume-Uni le gouvernement travailliste a constitué une « Task Force » associant chercheurs et enseignants. La présence de ces derniers a tout à le fois enrichi l’information des chercheurs quant à la réalité des pratiques de terrain existantes et favorisé l’impact de la recherche sur ces dernières.

Les universitaires anglais et australiens quant à eux mettent l’accent non sur l’organisation pratique de la recherche, mais sur la nécessité d’améliorer l’information des enseignants, et de leur donner les moyens d’approfondir leur réflexion sur les exigences de la conduite des apprentissages. Leur article entend y contribuer, à partir de deux constats. Celui de la faible connaissance par les maîtres de la nature des systèmes d’écriture, qui limite leur compréhension de l’efficacité de l’apprentissage phonétique dans le cas des systèmes alphabétiques. Et celui de leur méconnaissance des processus menant du déchiffrage à la compréhension. Aussi organisent-ils leur synthèse des savoirs établis par la recherche en trois moments, respectivement consacrés à la façon de percer le code alphabétique, de s’habituer à une habile lecture des mots, d’accéder à la compréhension d’un texte [14].

Si les propositions des uns et des autres ne manquent pas d’intérêt, force est de constater qu’après douze ans celles de Kim (2008) n’ont pas sensiblement modifié la situation aux États-Unis ; que l’initiative anglaise de la « task force » n’a pas suffi à pacifier le pays ; et que les chercheurs anglo-australiens Castles, Rastle et Nation concluent leur étude de 2018 en observant que l’état de la recherche qu’ils proposent avait déjà été exposé dans la même revue en 2001, plus de quinze ans avant, qu’il est surprenant et inquiétant que la guerre continue cependant, et qu’il y a lieu d’espérer qu’on n’aura pas à rééditer leur propre contribution dans quinze ans !

L’écart entre l’état de la recherche et la culture professionnelle des enseignants paraît donc difficilement réductible. Il s’agit là d’un phénomène social étonnant. Pour ce qui est de la France, on sait que la dégradation des acquisitions cognitives scolaires est continue depuis les années 1985 [15]. On sait également que ce processus se noue dans l’enseignement primaire [16], et que les difficultés en primaire sont associées dans neuf cas sur dix à des insuffisances de l’apprentissage de la lecture au CP [17]. Et l’on sait enfin qu’au terme du CP un élève sur trois n’est pas en mesure de déchiffrer plus de dix-huit mots en une minute, ce qui augure bien mal de la suite [18]. Tous ces constats sont solidement étayés par des données empiriques très robustes, que nul d’ailleurs ne conteste. L’état de notre système éducatif est loin d’être satisfaisant, et il le doit dans une mesure non négligeable aux ratés de l’apprentissage de la lecture au CP. Mais tout se passe comme si de rien n’était, et la guerre de la lecture continue comme avant.

La force d’inertie de la culture professionnelle portée par ceux que J. Kim appelle « les enseignants et leurs alliés » a quelque chose d’énigmatique qui mérite examen. Pour qu’un dialogue efficace et apaisé puisse se nouer entre elle et le monde de la recherche, sans doute faut-il interroger les conditions de sa résistance plus avant que ne le font les chercheurs anglo-saxons.

« Les enseignants et leurs alliés »

On sait que le secondaire attire des jeunes qui, s’étant attachés à l’une des disciplines rencontrées au collège ou au lycée, trouvent dans une carrière professorale le moyen de continuer à la pratiquer en l’enseignant [19]. Mais qui sont les maîtres du primaire ? Massivement des maîtresses, d’abord. Et qui ont un profil très différent de leurs collègues du secondaire. Leur enseignement est polyvalent, et de fait leur propre parcours scolaire, plus anonyme que celui de leurs collègues qui ont passé le CAPES ou l’agrégation, n’a pas été marqué par un investissement disciplinaire particulièrement valorisé. Le plaisir de s’occuper d’enfants, de les aider à grandir, et les avantages (vacances et sécurité d’emploi) prêtés à une profession qui inspire confiance et respect, ont davantage compté dans leur choix de s’orienter vers le professorat des écoles. Leur maîtrise de ce qu’elles enseignent, l’importance dans leur vie personnelle des savoirs qu’elles ont à transmettre, ont assez peu à voir avec ce qu’elles sont pour les enseignants du secondaire.

Leur rapport aux contenus à enseigner les différencie aussi des « hussards noirs » de la Troisième République. Le paradoxe ici est frappant. Ces derniers achevaient leur formation initiale beaucoup plus tôt, l’entrée à l’école normale se faisant à la sortie de l’école primaire supérieure, à la fin donc du collège. Mais ils étaient entrés à l’école primaire supérieure parce qu’ils étaient les meilleurs éléments du primaire, et ils avaient décroché le concours de l’école normale parce qu’ils étaient les meilleurs éléments du primaire supérieur. Leur accès au métier se faisait dès lors sous les auspices d’un rapport au savoir très affirmé, et d’une forte conscience de leur mission : assurer l’instruction des enfants du peuple. Les professeurs des écoles d’aujourd’hui ont été scolarisés à bac + 5, et en savent certainement bien plus que leurs aînés en bien des domaines ; mais ils ont rarement compté parmi les meilleurs élèves de leur promotion, et sont préoccupés d’« éducation » autant que d’instruction. La féminisation du corps professionnel y contribue, et sa « moyennisation » est de nature à le rendre plus fataliste quant à l’échec scolaire des élèves d’origine populaire [20].

Le monde de l’enseignement primaire est constitué, au-delà de la masse des enseignants « ordinaires », des militants des organisations syndicales et des mouvements pédagogiques ; des acteurs de la formation initiale et continue, ainsi que de l’encadrement pédagogique et hiérarchique ; auxquels on peut ajouter les universitaires relevant des « sciences de l’éducation » concernés par l’enseignement primaire. Ce sont là ceux que l’on peut considérer comme « les alliés » des enseignants, et que l’on retrouve massivement à leurs côtés, de fait, dans les affrontements de la guerre de la lecture. Ils sont d’ailleurs en règle très générale issus de leurs rangs, qu’il s’agisse d’anciens maîtres promus par leur activité interne à l’institution (concours PEFM, CPC, IEN), ou par leur militantisme syndical ou pédagogique ; ou encore par une reprise d’activités universitaires et la réalisation d’une thèse en sciences de l’éducation (à partir le plus souvent de leur expérience de terrain) susceptible d’ouvrir l’accès à un poste d’enseignant-chercheur. Ces « alliés » constituent donc une sorte d’élite du corps enseignant du primaire. Ils ne tirent que marginalement leur expertise de la recherche scientifique, et s’autorisent surtout d’une solide expérience professionnelle, d’une connaissance du terrain qui se veut à la fois intime et réfléchie.

L’inertie d’une culture professionnelle

Les enseignants du secondaire sont relativement sûrs de leur maîtrise des contenus à transmettre. D’être des spécialistes de leur discipline ne leur garantit certes pas une pleine efficacité pédagogique. Mais c’est un élément crucial de leur pratique professionnelle, la ressource essentielle à partir de laquelle ils peuvent penser leurs rapports aux élèves, améliorer leur façon de faire, se confronter aux instructions du ministère comme aux injonctions de l’inspection. Leurs collègues du primaire vivent une incertitude professionnelle qui les place dans une situation de subordination culturelle et hiérarchique, et les rend beaucoup plus dépendantes des manuels et autres supports pédagogiques, de l’aide disponible du côté des CPC et des RASED, des pressions de l’inspection. De ce point de vue la clé de l’évolution de leur culture et de leur pratique du métier se trouve pour une part peut-être primordiale dans leur environnement professionnel.

Or les expertises issues de cet environnement ont par nature tendance à persévérer dans l’être. Soit elles procèdent d’une philosophie pédagogique dont l’attractivité perdure d’autant plus facilement que ses effets pratiques sont rarement mesurés [21]. Soit elles sont le fait de personnalités dont les préconisations et l’autorité intellectuelle sont étayées par l’expérience et la réflexion de leurs auteurs, et une faible validation empirique. Il est alors très difficile pour ces derniers d’accepter quelque forme que ce soit de démenti : renoncer à une expertise qui ne tient que de lui, c’est renoncer à l’expert. Certes, personne n’apprécie d’avoir à revenir sur une thèse qu’il a défendue avec vigueur. Mais le problème ne se pose pas tout à fait de la même façon pour le chercheur dont les propositions incriminées procédaient par principe d’une argumentation rationnelle étayée par des données empiriques. Il pourra en effet interroger son erreur sans se départir de sa posture professionnelle : parvenir à en identifier la genèse sera au contraire de nature à confirmer ses capacités d’investigation.

Ces caractéristiques du monde de l’enseignement primaire éclairent la force d’inertie de la culture professionnelle installée. Les nouveaux entrants l’incorporent sous l’influence d’une formation initiale dont l’impact est d’autant plus marquant qu’elle intervient en terrain vierge d’expérience pratique comme de réelle maîtrise des contenus à enseigner [22]. L’activité professionnelle révèlera le plus souvent le caractère peu approprié de certaines injonctions des formateurs, provoquant du désenchantement plus qu’une remise en cause [23]. Comment les choses pourraient-elles se passer autrement, quand il faut bien utiliser les manuels dont on a hérité des générations antérieures, et dont l’usage est validé par l’encadrement hiérarchique et pédagogique ? Et une fois constituées de solides habitudes de travail, le coût d’une refondation des pratiques professionnelles s’avère élevé, ce qui est d’ailleurs particulièrement le cas en matière de conduite des apprentissages de la lecture. D’autant qu’il faut aussi braver la pression du milieu professionnel, celle qu’exercent l’encadrement, mais aussi les collègues.

L’adoption de façons de faire en rupture avec la culture dominante suppose dès lors des conditions particulières. Dans les établissements comptant plusieurs classes d’un même niveau, elle impliquera souvent un accord entre les enseignantes concernées. Elle sera grandement facilitée lorsqu’un membre de l’encadrement lui-même « converti » crédibilise l’opération et l’accompagne pédagogiquement : sa conversion ayant pu s’opérer sous pression ministérielle, ou sous l’effet démonstratif d’un enseignant audacieux qui initie le changement dans un bassin scolaire et convainc l’encadrement par les résultats qu’il obtient. À la différence là encore du secondaire, où la taille des établissements est plus importante, et où les associations professionnelles socialisent les enseignants d’une même discipline, l’innovation pédagogique ne fait tache d’huile dans l’enseignement élémentaire que là où l’encadrement s’en fait le relais (de par l’action d’un conseiller pédagogique – CPC – soutenu par son inspecteur – IEN) [24].

Le silence comme modalité de la résistance

Dans la guerre des idées sur la lecture, l’argumentation des défenseurs du statu quo se déploie sur plusieurs registres. Celui de la politisation des méthodes de lecture, l’essence réactionnaire de la syllabique faisant l’objet d’un rappel assez constant pour qu’elle finisse par aller de soi. Celui aujourd’hui de la nécessaire opposition à l’autoritarisme dont fait preuve un ministre qui se permet d’intervenir sur la façon d’enseigner la lecture. Et, conjointement, celui de la nécessité de défendre l’autonomie pédagogique des enseignants, qui sont les mieux à même de faire les bons choix parce qu’ils sont directement en prise avec le terrain.

Le recours à cette thématique repose sur une double occultation. Celle de l’histoire des politiques scolaires : cela fait plus d’un siècle que la didactique de l’apprentissage de la lecture est encadrée par des recommandations officielles – ce qui a changé n’est pas que le ministre intervienne, mais qu’il contredise la culture enseignante dominante. La seconde occultation concerne la réalité de la liberté pédagogique enseignante, particulièrement modeste dans le premier degré pour les raisons que l’on vient d’évoquer.

Mais le silence le plus assourdissant concerne les effets produits sur les élèves par les pratiques actuellement dominantes, dont les défenseurs du statu quo ne font... jamais état. Quelques exemples suffiront pour illustrer ce point.

On pense, au plus général, à la dégradation continue de l’efficacité cognitive de notre système éducatif depuis les années 1980, totalement ignorée alors qu’elle devrait figurer au premier rang des réflexions sur l’apprentissage de la lecture, pour autant que celui-ci y joue un rôle de premier plan, aux côtés de celui des mathématiques.

Second exemple, celui de la réception des résultats de l’enquête coordonnée en 2016 par Roland Goigoux, Lire et écrire. Celle-ci a concerné 131 classes dont les maîtres ont été sélectionnés pour l’ancienneté de leur expérience d’enseignement en CP ainsi que pour leur sentiment de maîtriser la pédagogie qu’ils mettent en œuvre. Or leurs élèves exhibent en fin de CP le même éventail de performances qu’au plan national. Ni la qualité de ces maîtres ni leur conscience professionnelle ne pouvant être mises en cause dans la médiocrité des résultats obtenus, celle-ci ne saurait dès lors se voir imputée qu’aux principes mis en œuvre dans la conduite des apprentissages. L’absence totale de commentaires concernant cet aspect de l’enquête est d’autant plus intenable que celle-ci met parallèlement en lumière la grande médiocrité de ces performances : le tiers des élèves de cette élite enseignante n’était pas en mesure en fin de CP de déchiffrer plus de dix-huit mots en une minute... ce qui augure à coup sûr d’une scolarité ultérieure pour le moins difficile.

Troisième exemple, celui de la publication en 2021 de l’ouvrage de Paul Devin et Christine Passerieux (dir.), Apprendre à lire, une pratique culturelle [25] : à aucun moment, dans cette nouvelle polémique anti-syllabique publiée par des représentants reconnus du progressisme pédagogique, n’apparaît quelque référence que ce soit aux performances des élèves.

L’école aurait-elle une autre finalité que de former ces derniers ? Et si ce n’est pas le cas, comment peut-on débattre des pratiques enseignantes sans prendre en considération leurs effets sur la qualité des apprentissages ? Il y a là une grande question politique, puisque il s’agit de rien moins que de la transmission du patrimoine des connaissances accumulées aux jeunes générations. Et aussi une question qui se pose aux organisations représentatives des enseignants. Le bonheur professionnel supposant un travail de qualité et réalisé au mieux, celles-ci peuvent-elles se désintéresser de l’activité enseignante et donc de la réussite ou de l’échec des élèves ?

Une sorte de ligne rouge

On ne peut ici qu’effleurer une dernière question. Sachant la force d’inertie de la culture qui domine aujourd’hui l’univers de l’enseignement primaire, comment comprendre que celle qui s’était cristallisée au long de la Troisième République se soit transformée si vite dans les années 1960/1980 ? Rappelons que si la critique de la syllabique est emblématique de cette mutation, elle est portée par une rénovation pédagogique qui la déborde et peut être comprise comme une sorte d’aggiornamento de l’école, une adaptation inévitable aux transformations d’ensemble de la vie sociale. Nous notions en ce sens en 2016 à propos de cette rénovation : « Traiter l’enfant comme une personne, favoriser son activité́ autonome, être attentif à son développement et à son épanouissement, l’instruire par le jeu plutôt que par l’inculcation et l’autorité́, tels sont les principes éducatifs promus par les salariés instruits, qui sont eux-mêmes en charge du fonctionnement du système scolaire. Les pratiques d’enseignement dont ils se feront les promoteurs puiseront, à partir de ces principes, dans le patrimoine d’idées accumulé depuis Jean-Jacques Rousseau par les pédagogies nouvelles, et privilégieront le rôle du jeu, du plaisir, de l’activité autonome de l’élève dans les apprentissages, et l’individualisation de leur conduite. » [26] La critique de la syllabique se développe en pleine cohérence avec cet esprit pédagogique, exhibant « dans sa démarche comme dans les contenus donnés à lire, le même souci de la motivation de l’élève, la même réticence à le confronter à l’abstraction de lettres et syllabes isolés donnés à déchiffrer, le même refus d’un vocabulaire trop étendu et de textes trop « littéraires ». Sous tous ces aspects, la réforme de la lecture relève pleinement de l’esprit général de la rénovation pédagogique [27]. »

On tient là, sans doute, les raisons de fond tout à la fois du succès si rapide du refoulement de la syllabique dans les années 1970, et de la résistance à l’évidence de son efficacité aujourd’hui. L’éventualité d’un retour de la syllabique est vécue comme la menace d’une régression quasi anthropologique, qui porterait atteinte aux acquis émancipatoires des années 1960/70 en matière de conception de l’enfance et de normes éducatives. Pour toute une partie des « experts » de l’enseignement primaire, plus encore sans doute que pour les maîtres eux-mêmes – on est plus sensible à l’épreuve des faits quand on a des enfants en face de soi – il y a là une sorte de ligne rouge à ne franchir à aucun prix. Quitte à contester le principe même des évaluations des élèves, à préférer casser le thermomètre plutôt que d’avoir à considérer les suivis statistiques des parcours scolaires, et à refuser de voir que les manuels de lecture les plus ambitieux culturellement ne sont pas nécessairement les moins syllabiques...

Les enseignements d’un cas d’école

Les contributions des chercheurs anglo-saxons que nous avons évoquées ici relèvent également pour leur part ce qui est tout aussi manifeste en France : le rejet des conclusions de la recherche académique sur l’apprentissage de la lecture, et le cas échéant celui des politiques publiques qui s’en autorisent, se réclame au premier chef de la défense de la liberté pédagogique des enseignants. Il y a là un paradoxe frappant : c’est là où la réalité de l’autonomie professionnelle enseignante est la plus limitée, dans le primaire, que l’étendard en est brandi le plus volontiers.

La question de l’autonomie professionnelle des professeurs des écoles doit être prise au sérieux : il y va de l’intérêt des élèves. Les enseignants sont au contact immédiat de ces derniers, et sont les mieux placés pour mesurer au quotidien les effets produits par leur activité dans la classe. Ils sont du même coup les mieux placés pour rendre leur conduite des apprentissages la plus efficiente possible. Encore faut-il qu’ils aient les moyens tout à la fois d’évaluer la pertinence de leurs gestes professionnels, de comprendre comment ils pourraient les améliorer, et de mobiliser à cette fin toutes les ressources disponibles.

C’est précisément ce qui fait défaut aujourd’hui aux professeurs des écoles, et que pourraient seules leur apporter et la maîtrise des contenus qu’ils enseignent (cette maîtrise disciplinaire dont disposent bien davantage les enseignants du secondaire), et la maîtrise de la didactique de ces contenus, et la capacité à décrypter et utiliser pour leur propre compte les résultats de la recherche concernant le fonctionnement d’ensemble du système éducatif.

Les modalités actuelles du recrutement et de la formation professionnelle des maîtres les laissent dépendants, sur tous ces registres, de leur environnement institutionnel. Pour qu’ils puissent reprendre la main sur leur métier, on ne voit guère d’autre solution que d’agir sur ces modalités. Le premier obstacle à lever est celui de l’actuelle polyvalence des maîtres : comment former sérieusement les futurs professeurs à la didactique de toutes les disciplines qu’ils doivent aujourd’hui enseigner ? La proposition du GRDS de passer à deux maîtres par classe de l’école élémentaire, l’un à formation mathématique et scientifique, l’autre à formation littéraire, répond sans doute suffisamment à cette difficulté. Cette disciplinarisation devrait affecter aussi bien le recrutement des candidats (au sortir d’études supérieures scientifiques ou littéraires) que leur formation puis leur spécialisation professionnelle [28]. Devenue spécialisée, la formation initiale pourrait incorporer des savoirs indispensables à la maîtrise didactique des contenus : si l’on veut par exemple conduire en toute connaissance de cause les apprentissages de la lecture, la connaissance des différents systèmes d’écriture, l’approche réfléchie de leurs différences, les apports de la linguistique concernant les fonctionnements de la langue, les différences entre langue écrite et langue orale, entre compréhension des mots et compréhension des phrases, etc. ne seraient certainement pas superflus.

Gageons que la réduction de l’actuel gap entre savoirs de la recherche et culture enseignante, permettant l’accès des maîtres à une réelle autonomie professionnelle, serait le meilleur moyen de mettre fin à la guerre de la lecture.


[1S’il ne sera publié qu’en 1938, son ouvrage majeur L’évolution pédagogique en France est issu de ses recherches et de son enseignement universitaire du début du siècle.

[2Maurice Halbwachs, Introduction à l’ouvrage de Durkheim L’évolution pédagogique en France, Puf, 2014 (première édition 1938), page 3.

[3Jean-Pierre Terrail, Enquêtes sur l’apprentissage de la lecture, GRDS, 2016, https://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article226.

[4Eveline Charmeux, Lire à l’école, CEDIC-Nathan, Paris, 1975 ; Jean Foucambert, La Manière d’être lecteur, Sermap-OCDL, 1976 ; l’AFL est créée par ce dernier également en 1976.

[5Psychologie cognitive de la lecture, avec Jean-Émile Gombert, Pierre Lecocq, Michel Fayol & Daniel Zagar, PUF, Paris, 1992.

[6José Morais, L’Art de lire, Odile Jacob, Paris, 1994.

[7Roland Goigoux, « Apprendre à lire à l’école : les limites d’une approche idéo-visuelle », Psychologie française, 45-3, 2000.

[8Il s’agit de l’évaluation du programme Parler dans l’académie de Grenoble par Pascal Bressoux et Michel Zorman (2009), de l’enquête menée par Édouard Gentaz et Liliane Sprenger Charolles sur la compréhension en fin de CP (2013), et de l’enquête sur l’efficacité des manuels en milieu populaire dirigée par Jérôme Deauvieau (2013), de l’enquête enfin coordonnée par Roland Goigoux sur un échantillon de 131 classes de CP (2016).

[9Stanislas Dehaene, Les Neurones de la lecture, Odile Jacob, Paris, 2007.

[10Enquêtes sur l’apprentissage de la lecture, étude citée.

[11Kenneth S. Goodman, « Reading. A Psycholinguistic Guessing Game », Journal of the Reading Specialist, vol. 6, 1967.

[12James S. Kim, “Research and the Reading Wars”, The Phi Delta Kappan, vol. 89, n° 5, janvier 2008.

[13Anne Castles, Kathleen Rastle, Kate Nation, “Ending the Reading Wars : Reading Acquisition from Novice to Expert”, Psychological Science in the Public Interest, Sage, 2018, vol. 19 (1).

[14Cf. Anne Castles, Kathleen Rastle, Kate Nation, ibidem.

[15Jean-Pierre Terrail, La tolérance à l’ignorance dans l’institution scolaire, GRDS, 2020, http://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article317.

[16Voir Y. Brinbaum, C. Hugrée, T. Poullaouec, « 50% à la licence, mais comment ? », INSEE, Économie et Statistique, n° 499, 2018.

[17L’année de CP est cruciale pour la suite de la scolarité primaire, et du même coup pour l’ensemble de la scolarité (en 1976 déjà, dans leur ouvrage « L’école primaire divise », Christian Baudelot et Roger Establet montraient que les redoublants du CP avaient dix fois moins de chances de décrocher un bac que les autres). Or dans neuf cas sur dix, le redoublement du CP tient aux difficultés rencontrées dans l’apprentissage de la lecture, cf. Thierry Troncin, Le redoublement : radiographie d’une décision à la recherche de sa légitimité, Université de Bourgogne, 2005.

[18Cf. le rapport « Lire et écrire  » de l’enquête sur 131 classes de CP coordonnée par Roland Goigoux en 2016.

[19Jérôme Deauvieau, Enseigner dans le secondaire. Les nouveaux professeurs face aux difficultés du métier, La Dispute, Paris, 2009.

[20Voir sur ces questions : Jérôme Deauvieau, « Le monde enseignant », et Jérôme Deauvieau et Jean-Pierre Terrail, « Les pratiques enseignantes », in Jean-Pierre Terrail (dir.), L’École en France, La Dispute, Paris, 2005 ; Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l’exigence intellectuelle, La Dispute, Paris, 2016.

[21On ne dispose ainsi (en France en tout cas) d’aucune enquête de suivi des élèves passés par les écoles Montessori, et d’une seule enquête concernant une école Freinet, voir https://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article21.

[22Bien que mené sur un échantillon modeste, le suivi par Daguzon et Goigoux du parcours de formation de futurs maîtres est éclairant : à l’entrée du stage en responsabilité, ces derniers se montrent en entretien profondément convaincus de la pertinence de ce qu’on leur a enseigné. Cf. Marc Daguzon, Roland Goigoux, "L’influence de la prescription adressée aux professeurs des écoles en formation initiale : la construction d’un idéal pédagogique", Actualité de la Recherche en Éducation et en Formation, Strasbourg, 2007.

[23Cf. Daguzon et Goigoux, ibidem. Voir également, pour des constats analogues, Sylvain Broccolichi, Christophe Joigneaux et Serge Mierzejewski (dir.), Le parcours du débutant. Enquêtes sur les premières années d’enseignement à l’école primaire, Artois Presses Université, Arras, 2017.

[24Nous n’évoquons pas ici le rôle éventuel dans la diffusion des pratiques pédagogiques des mouvements syndicaux et pédagogiques, qui en matière en tout cas de guerre de la lecture sont massivement du côté de la résistance au changement.

[25Paul Devin et Christine Passerieux (dir.), Apprendre à lire, une pratique culturelle, Éd. de l’Atelier, Paris, 2021.

[26Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l’exigence intellectuelle, La Dispute, Paris, 2016, p. 53.

[27Ibidem, p. 26.

[28Voir GRDS, La formation des enseignants de l’école commune, 2012, https://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article134. Faut-il souligner combien les conditions de travail et la rémunération salariales devraient être améliorées afin de rendre parallèlement le métier plus attractif ?